Droits d’auteur : la notion de communication au public

Parmi les conditions requises pour percevoir des droits d’auteur figure, outre l’exigence d’une création originale, la condition de mise en forme qui permet la communication au public de l’œuvre.

Mais qu’est-ce que le « public » et comment doit se manifester une telle communication ?

Cette condition est-elle remplie si l’œuvre est simplement exploitée par le client de l’auteur, voire par les associés de ce client ou ses collaborateurs pour leur usage propre ?

Ou est est-il requis une plus large diffusion, commercialisation ou exploitation ?

Ces questions sont loin d’être anecdotiques car elles sont souvent source de confusions ou de malentendus dans le chef de certaines prétendants au régime fiscal des droits d’auteur,  convaincus d’y avoir droit alors qu’ils ne font que réaliser une mission dans le cadre d’une prestation de service pour leur commanditaire ou leur employeur.

La réponse à ces différentes questions passe par l’examen des textes légaux et, surtout par la lecture des arrêts de la Cour de Justice de l’union Européenne qui s’est prononcée à diverses reprises en ce domaine.

En droit belge, l’article XI.165, § 1er, 4ème alinéa du Code de droit économique énonce que, « l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique a seul le droit de la communiquer au public par un procédé quelconque, y compris par la mise à disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ».

La lecture de cette disposition révèle que seul le titulaire du droit est autorisé à permettre la communication de son œuvre.

Pour qu’on puisse parler d’un acte de communication au public, il faut que celui s’adresse à un « public nouveau », notion qu’il convient de bien définir.

C’est principalement l’arrêt Svensson du 13 février 2014 (se prononçant sur l’accès des œuvres sur Internet) qui définit cette notion de public nouveau (CJUE 13 févr. 2014, Aff. C-466/12, Svensson c/ Société Retriever Sverige, D. 2014. 480)

Ainsi peut-on lire cette attendu qui énonce que «  Pour relever de la notion de «communication au public» (…), encore faut-il qu’une communication, (…) visant les mêmes œuvres que la communication initiale et ayant été effectuée sur Internet à l’instar de la communication initiale, donc selon le même mode technique, soit adressée à un public nouveau, c’est-à-dire à un public n’ayant pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur, lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale au public. ».

Nous pouvons dégager de cette jurisprudence deux conditions pour entrer dans le champ d’application de qualification d’acte de communication au public au sens du droit d’auteur :

  • D’une part, il doit s’agit d’un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important. La jurisprudence européenne évoque aussi la notion de « seuil de minimis » de personnes et ce qui exclut de la notion de public la “pluralité de personnes concernées trop petite, voire insignifiante” (voir aussi Arrêt Reha Training (C-117/15). En clair, il doit s’agir d’un public n’ayant pas été pris en compte par le titulaire du droit d’auteur lorsqu’il a autorisé la communication initiale au public.
  • Il doit toujours aussi exister la possibilité de restreindre l’accès au public. A quels droits exclusifs l’auteur peut-il prétendre lorsqu’il met à la disposition du public son œuvre, par exemple sur internet sans restriction aucune, puisque dans ce cas il est présumé s’adresser, lors de sa communication initiale, à tous les internautes potentiels qui y ont droit gratuitement. En d’autre termes, il n’y pas de public nouveau si l’accès à une œuvre est accessible à tous et que l’autorisation du titulaire du droit d’auteur ne s’impose pas pour une nouvelle communication au public. Le concept de « public nouveau » n’équivaut donc pas au concept de « tout public ».

Comme l’écrit l’avocat Frederic Dechamp  «  lorsque par exemple un webmaster souhaite donner accès à des œuvres protégées au moyen d’hyperliens, il doit impérativement se poser la question de déterminer quel est le public visé dans le cadre de la communication au public originaire. » (Chronique sur www.droitbelge.net : « Un répertoire de liens hypertextes n’est pas (toujours) une nouvelle communication au public »).

Cette  notion de « public nouveau » ne vise pas à définir le régime des droits d’auteur, mais permet simplement à l’auteur d’obtenir des droits patrimoniaux plus élevés s’il souhaite donner l’autorisation que son œuvre soit communiquée à un public nouveau.

Il n’y a donc aucune obligation pour un auteur de communiquer son œuvre à un public plus ou moins restreint pour tirer des droits d’auteur.

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