Interview de Pierre-François COPPENS par Patrick Van Campenhout dans la Libre Belgique

Attention le fisc sort de ses gonds

 Dans un ouvrage paru tout récemment aux Editions Larcier(1), le fiscaliste belge Pierre-François Coppens donne aux entreprises un véritable cours magistral destiné à leur permettre d’anticiper les contrôles fiscaux et de s’y préparer. Il évoque même “des règles pour éviter toute taxation”!

Un pousse­-au-crime ?

De son point de vue, c’est surtout une manière de répondre à la nouvelle approche des contrôles initiée par l’administration fiscale.

“Ce livre est né d’une série de constats à ce propos, dans ma pratique du conseil fiscal.

Le principal constat est celui d’erreurs fiscales commises par des entre­prises et sanctionnées lourdement par le fisc. Mais ces erreurs sont le plus souvent liées à de nouvelles lois horriblement complexes.

Dans ce cadre, j’ai relevé les principaux thèmes qui sont aujourd’hui visés par le fisc et qui donnent lieu à des redressements.”

Modus operandi

Le fisc applique les contrôles de manière systématique sur des secteurs bien précis ou sur des modes d’ingénierie fiscale considérés comme abusifs. Les contrôleurs répondent en cela à une nouvelle organisation des opérations par la direction de l’administration .

Les opérations sont préparées mi­nutieusement, formatées et libellées.

Ce qui est positif dans le sens où le travail des contrôleurs est simplifié, mais cela prive aussi ces derniers d’une part de leur liberté d’appréciation. Dans certains cas, ce formatage lié à l’utilisation du datamining est aussi totalement inadapté puisqu’il ne tient pas compte des spécificités des entreprises. C’est un problème. Et l’un des principaux conseils que je donne aux chefs d’entreprises c’est précisément de faire visiter leurs installations afin de réconcilier la réalité économique et la réalité fiscale.”

Préparer la guerre?

Une préparation d’un contrôle va­t­ elle changer la donne?

“Oui, en fait, c’est essentiel actuellement alors que le fisc est  réellement impitoyable dans certains contrôles comme dans le domaine des constructions usufruit. Sans entrer dans le détail technique, c’est typiquement une opération qui était courante et étalée sur le long terme. Il s’agit pour des raisons d’économie fiscale pour l’entreprise, d’acquérir l’usufruit d’un immeuble tandis que le dirigeant de la société acquiert l’immeuble en nue-propriété. La société peut déduire les charges de l’immeuble, les charges financières, travaux etc. Et l’immeuble est mis à disposition du dirigeant de la société qui doit pour sa part déclarer un avantage en nature. L’administration s’y oppose désormais et conteste la valorisation de l’usufruit. Mais ce qui est beaucoup plus grave c’est qu’elle considère par la suite la différence entre l’estimation et sa propre valorisation comme un avantage de toute nature non déclaré. Dont coût: 50% d’accroissement et l’amende de 309% liée au principe des commissions secrètes. Dans le cas d’un immeuble, on parle ici facilement de centaines de milliers d’euros d’amendes! Une telle attitude peut conduire à des situa­tions gravissimes. Et cela d’autant plus que l’administration force les accords sur les amendes.”

Autant donc se préparer soigneusement à argumenter, et le cas échéant à introduire des recours.

Dans la pratique, on évoque souvent une sorte de poker ou de marchandage avec les contrôleurs. Est-ce une réalité?

“Dans une certaine mesure, il faut en effet être capable de céder sur un point, comme sur des frais jugés exagérés, pour parvenir à un accord.”

Mais il y a une autre cible à atteindre, “celle d’un retour au bon sens qui devrait prévaloir dans l’argumentation des sociétés et de leurs con­seils. Comme par exemple de se baser sur ce qui a été accepté par le passé, ou éviter d’appliquer des sanctions disproportionnées rétroactivement”.

L’ouvrage de Pierre-François Coppens est avant tout un outil pratique destiné aux conseillers fiscaux et aux chefs d’entreprises. Il reprend les points qui fâchent le fisc, les principes de droit d’application, et la manière dont l’administration se positionne face à la loi, des cas réels et la jurisprudence. Le tout emballé avec une forme d’humour particulière qu’on n’imagine pas retrouver dans un livre de droit fiscal.

(s) Patrick Van Campenhout

“Les principaux redressements fiscaux à l’impôt des sociétés. Les règles à suivre pour éviter toute taxation”,

Ed. Larcier, ISBN: 978­2­87596­013­9, 275 pages,

prix: 60 euros

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