LE NOUVEAU REGIME DES COMMISSIONS SECRETES

Afin de s’assurer que certains revenus (rémunérations avantages de toute nature, tantièmes, etc.)  déduits par la société qui les paie soient bien déclarés par le bénéficiaire, le législateur avait institué un système très pénalisant pour celle-ci. En vertu de l’article 219 du C.I.R ancien, une  société devait en effet subir une cotisation distincte de 309 % (300 % + CCC) sur les dépenses non justifiées (dites « les commissions secrètes »). Une société qui ne justifie pas une dépense de 100 EUR (au moyen de fiches et relevés) devait donc payer un impôt de 309 EUR. Maigre consolation: cette cotisation distincte était déductible au titre de frais professionnels  et ne figurait donc pas parmi les dépenses non admises. Le régime des commissions secrètes a subi une première modification légale  très importante, par une loi du 17 juin 2013 portant des dispositions fiscales et financières diverses. Cette loi permettait d’éviter la cotisation distincte si trois conditions étaient  réunies : 1. le montant ou l’avantage non justifié adéquatement par la production d’une fiche individuelle était imposé dans le chef du bénéficiaire; 2. le bénéficiaire avait marqué son accord sur cette imposition et 3. L’impôt était  établi dans le délai de trois ans prévu à l’article 354, alinéa 1er du CIR.  Dernière étape d’une évolution plus favorable aux sociétés, la loi-programme du 19  décembre 2014, publiée le 29 décembre 2014 vient réduire significativement le taux applicable (qui passe de 309 % à 103% et 51,5%) et fixent de nouvelles règles. Que peut-on  retenir  de ce nouveau changement législatif majeur ? Le  principe reste que tous avantages doivent être justifiés par une fiche fiscale. Néanmoins la loi a pour but d’éliminer le caractère “pénalisant” de la cotisation distincte qui n’a désormais plus qu’un caractère “compensatoire”. La  cotisation distincte  ne pourra pas être  appliquée dans les deux cas suivants : soit la société démontre que le bénéficiaire a déclaré dans les délais, dans sa déclaration à l’impôt sur les revenus, l’avantage obtenu, soit une telle déclaration n’a pas été déposée mais le bénéficiaire a été identifié de manière univoque au plus tard dans un délai de 2 ans et 6 mois à partir du 1er janvier de l’exercice d’imposition concerné (à suivre).

Puisque la cotisation distincte n’a désormais plus  qu’un caractère “compensatoire” de la perte d’impôts sur les revenus belges, le taux est porté de 309 %  à 103 % (100% +  3 % de ccc) et lorsque le contribuable peut démontrer que le bénéficiaire de l’avantage est une personne morale, le taux est fixé à 51,5 %. (50% + 3% de ccc). En vertu du caractère compensatoire allégé de la cotisation distincte, il y a lieu en effet de tenir compte de la situation fiscale du bénéficiaire pour lequel les taux marginaux maximums sont différents et s’élèvent à 50 % + additionnels communaux lorsqu’il s’agit d’une personne physique, et à 33,99 %  lorsqu’il s’agit d’une personne morale. Le fisc peut toutefois refuser la déduction de la commission dans les cas où l’application de la cotisation spéciale pourrait résulter en un impôt inférieur à ce qui serait le cas si la cotisation distincte n’était pas appliquée. Comme le souligne Jan Van Dyck,  le but de cette réserve est tout sauf clair : « L’exposé des motifs ne précise toutefois pas concrètement dans quelles situations ce risque pourrait se présenter, ni quelles sont les conséquences concrètes de la réserve exprimée dans le texte[1]. La loi confirme que pour les menus frais qui n’ont pas de caractère professionnel, tels que les frais de restaurant, les frais de réception, les menus frais informatiques, etc., ceux-ci ne sont pas soumis à la cotisation distincte.  La loi prévoit aussi qu’aucun accroissement d’impôt n’est appliqué lorsque la réintégration dans la comptabilité de bénéfices dissimulés est faite d’initiative dans un exercice comptable postérieur à l’exercice comptable au cours duquel le bénéfice dissimulé a été réalisé. Enfin, tous les nouveaux litiges et les litiges pendants, même s’ils portent sur des revenus ou des avantages antérieurs à l’exercice d’imposition 2015 seront traités suivant les nouvelles modalités de ces nouvelles dispositions fiscales. Les contrôles  fiscaux en cours pourront dès lors  bénéficier du nouveau régime, ce qui est une excellente nouvelle.



[1] Jan Van Dyck,  « L’adaptation de la cotisation de 309 % sensiblement écornée », Fiscologue n° 1410 du 12 décembre 2014

 

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