Le régime des décisions anticipées : aspects de procédure et questions d’actualité

1. Introduction et historique

S’il est une innovation essentielle de la loi du 24 décembre 2002, c’est bien celle qui concerne le nouveau régime des décisions anticipées en matière fiscale, applicable depuis le 1er janvier 2003.

Cette loi remplace le système prévu à l’article 345 du CIR qui offrait à tout contribuable la possibilité d’obtenir un accord (ce qu’on appelait un ruling) auprès d’une commission créée au sein de l’administration centrale, la Commission des accords fiscaux préalables[1].

Cette commission, composée exclusivement de fonctionnaires[2], était appelée à se prononcer sur certaines conditions d’application des dispositions du Code des impôts sur les revenus. C’est sur la question de savoir si une opération envisagée (une fusion ou une scission, par exemple) répondait ou non à des besoins légitimes de caractère économique ou financier que son action fut la plus sollicitée.

De nombreuses critiques avaient été formulées à l’encontre de cet ancien système, parmi lesquelles :

–   l’absence totale de directives adressées aux services décentralisés, aboutissant à un sentiment d’arbitraire ;
–   le formalisme excessif de la procédure (longs délais, publication tardive et trop limitée) ;
–   l’impossibilité d’avoir des normes de conduite éventuellement applicables à l’égard d’autres contribuables.

Ces critiques ont conduit à l’instauration du nouveau système et ont été partiellement rencontrées.

2. Champ d’application et objectifs de la loi du 24 décembre 2002

Le champ d’application du régime des décisions anticipées est beaucoup plus large et plus précis que celui donnant lieu à un ruling.

Désormais, une décision anticipée pourra être rendue en toutes matières relatives à l’application d’une loi d’impôt comprise au sens large, à quelques exceptions près[3]. Par ailleurs, la loi de 2002 n’utilise plus le terme « accord » mais celui de « décision anticipée ». Une décision anticipée est une décision unilatérale rendue par l’administration, de manière anticipée, portant sur la manière dont sera ou ne sera pas taxé un contribuable s’il accomplit une opération envisagée[4].

Le nouveau régime offre donc au contribuable une sécurité juridique importante puisqu’il peut connaître à l’avance la position qui sera adoptée par l’administration. Il suffira qu’une demande soit introduite dans les formes et conditions requises, pour que l’administration soit tenue d’exprimer son point de vue sur la manière dont la loi fiscale doit être appliquée[5]. Un nouvel état d’esprit, basé sur la concertation, entre l’administration et un contribuable ou un candidat investisseur, est à la base de la nouvelle loi. Désormais, le contribuable devient, selon le vœu du législateur, un « sujet de droit », voire un client et non un simple « assujetti » dont l’avenir dépend de décisions cinglantes et sans appel.

Le nouveau régime a pour but, selon l’exposé des motifs de la loi, de répondre aux standards de transparence, de durée et de traitement des décisions anticipées.

L’objectif du législateur est non seulement d’offrir de nouvelles garanties au contribuable, mais aussi de freiner le développement du contentieux fiscal par un traitement en amont des questions d’interprétation de la loi fiscale complexe et changeante. Il faut vraiment souhaiter que ce nouveau régime des décisions anticipées soit à la hauteur des espoirs qu’il suscite.

Signalons que le nouveau système de décisions anticipées ne fait pas obstacle à la possibilité toujours ouverte d’obtenir un accord auprès de son contrôleur local. Cet accord, bien que non revêtu du manteau de la sécurité juridique comme l’est une décision anticipée, présente déjà certaines garanties (respect du principe de bonne administration, remise en cause pour le futur, etc.).

Une demande de décision anticipée est soumise à des conditions de fond[6] et de forme[7].

3. Conditions de fond

La validité d’une demande suppose tout d’abord le respect de six conditions de fond.

1) Application de la procédure de décision anticipée aux situations qui n’ont pas encore produit d’effets au point de vue fiscal.

L’opération ou la situation ne doit pas encore avoir produit d’effets sur le plan fiscal. L’acte ne peut donc avoir déjà été accompli[8]. Si l’opération ou la situation considérée est déjà réalisée ou survenue et que les conditions d’application de l’impôt sont définitivement réunies, l’impôt doit s’appliquer conformément aux dispositions en vigueur, sans qu’un engagement de l’administration puisse être d’un quelconque intérêt pour éclairer le contribuable sur les conséquences de l’opération réalisée ou de la situation constatée[9]. Pour savoir si une situation ou une opération a ou non déjà produit des effets juridiques, il faudra se fonder sur les circonstances de fait inhérentes à la nature des opérations et des impôts faisant l’objet de la demande. Par exemple, en matière d’impôt des sociétés, tant que les comptes de fin d’année n’ont pas fait l’objet de clôture, l’introduction d’une demande anticipée peut en principe se faire.

2) Recours administratifs en cours ou actions judiciaires

L’administration ne peut prendre attitude si l’opération fait déjà l’objet d’un recours administratif ou judiciaire sur le plan fiscal. Il ne peut évidemment être question d’obtenir une décision quand un litige est en cours. Cette règle ne vaut bien entendu qu’à l’égard du contribuable.

3) Cas dans lesquels il est inapproprié ou inopérant de rendre une décision anticipée en raison de la nature des dispositions légales ou réglementaires invoquées.

L’arrêté royal du 30 janvier 2003, pris en application de l’article 22 de la loi du 24 décembre 2002, précise les matières et dispositions pour lesquelles il n’est pas autorisé d’obtenir une décision anticipée :

–   les taux d’imposition et le calcul des impôts : le SPF Finances n’a pas à déterminer le montant de l’impôt dû ni à se prononcer sur les taux d’impôt ;

–   les montants et pourcentages figurant dans la loi ;

–   la déclaration, les investigations et le contrôle, l’utilisation des moyens de preuve, la procédure de taxation, les voies de recours, les droits et privilèges du Trésor, la base minimale d’imposition, les délais, la prescription, le secret professionnel, l’entrée en vigueur et les responsabilités et obligations de certains officiers et fonctionnaires publics, d’autres personnes ou de certaines institutions. La raison en est que la décision anticipée doit précéder la phase d’établissement de l’impôt ;

–   les dispositions pour lesquelles une procédure d’agrément ou de décision est organisée (par exemple, l’article 58 en matière d’autorisation de commissions secrètes, la loi du 6 mai 1999 visant à promouvoir la création de sociétés civiles de groupements forestiers) ;

–   les dispositions ou usages organisant une concertation ou une consultation d’autres autorités et pour lesquelles le ministre des Finances ou les services de l’administration fiscale ne sont pas habilités à se prononcer isolément ou unilatéralement : tel est le cas des décisions relatives à des accords de siège, ou pour des procédures prévues par certaines conventions (par exemple, en matière d’assistance au recouvrement). Par contre, les dispositions des conventions préventives de la double imposition peuvent sans conteste faire l’objet d’une décision anticipée ;

–   les dispositions qui organisent les sanctions, amendes, accroissements et majorations d’impôt ;

–   les bases forfaitaires de taxation.

4) Exclusions des questions de principe d’ordre théorique.

Les questions purement théoriques relèvent du domaine des missions générales du SPF Finances et non du service chargé d’instruire les décisions anticipées.

5) Exclusions des opérations ou situations manifestement illégales du champ d’application de la procédure anticipée.

Cette exclusion a suscité une certaine controverse. Pourquoi l’administration fiscale doit-elle refuser de donner son avis sur une opération manifestement illégale ? Certains auteurs[10] considèrent qu’il est du devoir de l’administration fiscale de rendre une décision anticipée, même sur un comportement du contribuable qui relèverait de la fraude fiscale. Après tout, la position du fisc en la matière serait de nature à dissuader tout contribuable de réaliser telle ou telle opération et préciserait les règles de suivi de la loi fiscale. Mais peut-être faut-il voir derrière cette exclusion le seul souci de ne pas encombrer l’administration de demandes visiblement fantaisistes ou audacieuses.

6) Cas d’exclusions spécifiques aux impôts sur les revenus.

Enfin, le texte de loi prévoit explicitement deux situations qui excluent toute possibilité de décision anticipée :

–   lorsque les éléments essentiels d’une opération ou d’une situation visent un pays-refuge entrant dans la classification de l’OCDE il faut préciser ici que sont exclues les demandes pour lesquelles la localisation dans un pays-refuge est totalement déterminante sur l’opération envisagée et ne présente donc pas un rôle incident ;
–   lorsque l’opération ou la situation décrite est privée de toute substance économique en Belgique : cela vise les mécanismes ou produits fiscaux dont la finalité est exclusivement l’évitement de l’impôt ou un gain d’impôt.

La raison d’être de ces deux exceptions est de ne pas permettre à l’administration de promouvoir toute forme d’évasion fiscale.

4. Conditions de forme et règles de procédure

Sur le plan formel, la demande motivée doit être adressée par écrit au Service public fédéral Finances (Service des décisions anticipées)[11] et comporter la description la plus complète de la situation ou de l’opération particulière[12]. Un accusé de réception est délivré au demandeur dans les cinq jours ouvrables à compter de la date de réception de la demande.

La demande doit se référer aux dispositions légales ou réglementaires sur lesquelles devra porter la décision. Cette exigence semble assez étonnante, car tout contribuable n’est pas censé connaître la disposition légale qui sous-tend l’opération envisagée. Une certaine souplesse semble toutefois être prévue à ce sujet, si l’on se fie à l’exposé des motifs de la loi. Il faut en tout cas que le requérant précise à propos de quel impôt il entend obtenir une décision anticipée.

Le rapport au roi de l’arrêté royal du 30 janvier 2003 réglant un certain nombre d’aspects de procédure relatifs au régime des décisions anticipées précise qu’une demande de décision anticipée est une possibilité et non une obligation. Dès lors, le demandeur peut retirer sa demande à tout moment de la procédure.

Aussi longtemps qu’une décision n’est pas intervenue, la demande peut toujours être complétée par tout élément nouveau relatif à la situation ou à l’opération envisagée[13].

L’arrêté royal du 30 janvier 2003 institue un système de collaboration entre fonctionnaires et la constitution de groupes de connaissance. Ces groupes de connaissance sont mis en place lorsque l’administration est appelée à se prononcer sur des problèmes complexes ou une prise de position nouvelle relative à l’application d’une loi existante. L’administration peut même éventuellement faire appel à des experts extérieurs. Le demandeur qui a introduit son dossier peut à tout moment être entendu d’initiative ou sur demande.

5. La décision anticipée

Le SPF Finances doit rendre sa décision anticipée (par pli recommandé) dans un délai de trois mois à compter de l’introduction de la demande[14]. Le délai ne prend toutefois cours que lorsque la demande est jugée complète, ce qui peut entraîner une prolongation du délai pour des demandes portant sur des opérations complexes.

L’absence de sanction en cas de dépassement de délai par l’administration a été fort critiquée par la doctrine. Le professeur Thilmany estime même qu’un refus de décision dans ce délai est susceptible d’engager la responsabilité de l’administration[15].

La décision est en principe rendue pour un terme qui ne peut excéder cinq ans, sauf dans les cas où l’objet de la demande justifie qu’il en soit autrement (article 23, al. 1 de la loi du 24 décembre 2002).

La décision ne lie toutefois pas l’administration dans certains cas, ce qui entraîne la nullité de la décision (soit pour l’avenir, soit avec effet rétroactif).

En cas de nullité avec effet rétroactif (ex tunc), la décision est censée n’avoir jamais existé ni avoir eu d’effet. Il s’agit des hypothèses suivantes :

–   lorsque les conditions prévues par la décision anticipée ne sont pas remplies, ce qui semble évident ;
–   lorsque la situation et les opérations décrites par le demandeur l’ont été de manière incomplète ou inexacte ;
–   lorsque la décision n’est pas conforme au droit interne, des traités et du droit communautaire.

Cette exception a soulevé, à juste titre, les plus vives critiques. Il est en effet convenu de s’interroger sur la pertinence de cette exigence au regard du principe de sécurité juridique que le nouveau système est censé instituer. La porte est ainsi ouverte à l’administration à une remise en cause de sa décision lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle a rendu une décision non conforme à la loi. La protection juridique accordée au contribuable se trouve de la sorte fortement ébranlée. On peut d’ailleurs se demander si le principe de bonne administration ne se trouve pas aussi sérieusement remis en cause.

Le conseil d’État considère d’ailleurs que cette primauté du principe de légalité sur le principe de sécurité juridique ne doit s’imposer que lorsque le contribuable ne pouvait ignorer que la décision anticipée serait entachée d’illégalité [16]. Dès lors, lorsque le contribuable interroge l’administration sur le régime fiscal d’une opération dont il ignore les effets fiscaux, il eût été plus cohérent de faire primer le principe de sécurité sur le principe de légalité.

En ce qui concerne le droit communautaire, des décisions juridictionnelles, telles que celles de la Cour de justice des Communautés européennes, ainsi que les décisions contraignantes prises par d’autres autorités, telles les actions en manquement et ou procédures en constatation d’infraction entamées par la Commission européenne ou, dans le domaine de la TVA, une position adoptée par le Comité consultatif visée à l’article 29 de la Sixième Directive, peuvent mettre en évidence la non-conformité des dispositions de droit interne, et partant, des décisions prises sur cette base, par rapport au droit communautaire. Ces situations sont également de nature à constater la nullité ex tunc de décision anticipée non conforme au droit communautaire[17].

Les cas de nullité de la décision limitée à l’avenir (ex nunc) concernent deux hypothèses :

–   en cas de modifications de dispositions légales applicables à la situation ou à l’opération visée par la décision anticipée. L’objectif de sécurité juridique renforcée par le biais d’une décision anticipée ne peut pour autant avoir pour effet de différer l’application d’une nouvelle règle de droit dans le chef de son bénéficiaire. Dans le cas contraire, deux, voire plusieurs dispositions légales pourraient s’appliquer au même moment à des situations ou opérations identiques. Ne sont visées ici que les modifications de la législation et non de la jurisprudence ;

–   en cas de modification des effets essentiels de la situation ou des opérations par un ou plusieurs éléments connexes imputables au demandeur. Comme le précise l’exposé des motifs, « la loi doit en effet prémunir l’administration contre des pratiques frauduleuses ou complexes dans lesquelles des éléments connexes ou ultérieurs qui sont directement ou indirectement imputables au demandeur, le cas échéant à l’instigation de tiers, peuvent s’avérer déterminants. Il s’agit de situations spécifiques où la prise en compte de l’intérêt général se heurte à l’octroi de la sécurité juridique »[18]. Le législateur cherche de la sorte à se prémunir contre des opérations particulières dans lesquelles peuvent intervenir des hommes de paille ou sont utilisés des montages financiers avec des sociétés qui se créent et disparaissent, ou sont organisées des techniques d’insolvabilité. Certains dossiers ayant défrayé la chronique (« QFIE », exploitation de l’exonération des plus-values sur actions, sociétés de liquidités) ont présidé à l’insertion de cette cause de nullité spécifique.

6. Publicité des décisions

Les décisions anticipées font l’objet d’une publication dans le bulletin des contributions[19]. La loi du 24 décembre 2002 prévoit que la publication se fasse de manière anonyme et dans le respect du secret professionnel. Le rapport au roi de l’arrêté royal du 30 janvier 2003 précise cette notion de secret professionnel. Le secret professionnel doit être compris au sens large et prendre en compte également le respect de la confidentialité des affaires du requérant. C’est ainsi que ce dernier pourra, pour de justes motifs, revendiquer l’absence ou le report de publication de la décision qui le concerne. Dans certains cas, la seule mention d’une adresse ou d’une activité professionnelle peut toutefois suffire à permettre l’identification de la société, ce qui pose problème. L’arrêté royal d’exécution n’offre pas de réponse à cette question mais se contente d’énoncer que les décisions seront publiées, sous forme de synthèses individuelles ou collectives, sur le site Internet du service public fédéral Finances (article 5).

7. Recours contre une décision anticipée ou une absence de décision • Est-il possible d’introduire un recours contre une décision défavorable, contre le refus de rendre une décision ? La loi est muette à ce sujet.

En ce qui concerne la question d’un recours contre une décision défavorable, certains auteurs[20] considèrent qu’un recours devant le tribunal de première instance est pleinement envisageable puisque ce tribunal est compétent pour toute contestation relative à une loi d’impôt, à comprendre dans son sens le plus large. Le délai serait alors de trois mois à compter de la notification de la décision. On peut toutefois se demander si, en raison de la lenteur judiciaire (échange de conclusions, fixation d’une date de plaidoirie, délibéré, etc.), un tel recours aurait encore un sens quand l’opération envisagée doit se faire à bref délai.

8. Faut-il conseiller aux entreprises d’introduire une décision anticipée ?

Pour vivre heureux, vivons cachés et loin du regard du fisc ! Telle est sans nul doute la philosophie partagée par nombre de nos concitoyens soucieux d’éviter que l’administration fiscale ne se mêle de leurs affaires. En réalité dès lors qu’une opération envisagée n’est entachée d’aucune volonté de fraude fiscale, il est légitime de se demander s’il n’est pas utile, voire préférable, d’obtenir le blanc-seing de l’administration centrale afin de se prémunir contre tout risque de taxation arbitraire faite par un fonctionnaire mal intentionné ? N’est-il pas également nécessaire de bénéficier d’un point de vue précis sur les règles ou les conséquences fiscales d’un comportement envisagé ? Une indubitable sécurité est garantie au contribuable.

Par ailleurs, la relative célérité des réponses fournies par l’administration, la nouvelle autonomie décisionnelle du service mis en place, la possibilité d’interroger l’administration sur un nombre élargi de matières fiscales sont autant d’arguments qui ne peuvent que contribuer au succès du régime. Il n’est pas inutile de noter que le service a été récemment renforcé et compte désormais plus de 100 agents spécialisés qui ne doivent plus demander sans cesse l’assistance – avec toute la lenteur que cela pouvait générer – de fonctionnaires relevant de directions techniques de l’administration centrale ou de services extérieurs. Par ailleurs, il est toujours possibilité d’obtenir la non-publication de la décision qui vous est adressée en invoquant des justes motifs.

Enfin, il est également prévu qu’en cas de rejet envisagé par le Service des décisions anticipées, le contribuable dispose d’un délai d’un mois pour se rétracter et renoncer à l’opération qu’il comptait réaliser, ce qui lui permet d’échapper à la publication de la décision et à la transmission de celle-ci au contrôle compétent. Dès lors, nul service de taxation ne sera tenu informé de l’existence de cette opération.

9. Les principaux domaines d’intervention du Service des décisions anticipées

Chaque année le Service des décisions anticipées publie plus de 200 décisions anticipées. On les retrouve sur le site www.ruling.be et à la transmission de celle-ci au contrôle compétent. Les domaines les plus souvent rencontrés sont, par ordre dégressif, les suivants :

–   les plus-values sur actions réalisées par des personnes physiques (« plus-values du patrimoine privé ») ;
–   la notion de besoins légitimes de caractère économique et financier dans le cadre de cessions et de restructurations de sociétés ;
–   les prix de transfert (« avantages anormaux ou bénévoles »).

Les questions traitées par le service portent aussi bien sur les impôts sur les revenus que sur la TVA ou les droits d’enregistrement.

On trouve également des décisions en matière de :

–   remboursements de frais propres à l’employeur ;
–   avantages de toute nature et avantages sociaux ;
–   requalification d’emphytéose en droits d’enregistrement ;
–   engagements de pension complémentaire (une décision) et back-service en assurance-          groupe (une décision) ;
–   RDT (cinq décisions) ;
–   frais professionnels (deux décisions) ;
–   droit à la déduction des pertes en cas de changement de contrôle ;
–   etc.

10. Les « avis » du Service des décisions anticipées

À côté de ces décisions anticipées, et depuis quelques années, le Service des décisions anticipées s’est en outre lancé dans la publication d’avis. La raison d’être de tels avis est, selon le service, de donner aux opérateurs potentiels une indication sur une opération envisagée.

En réalité, ces avis s’ils expriment la position officielle du Service comprennent quelquefois certaines conditions qui, de toute évidence, excèdent les seules exigences prévues par le Code des impôts sur les revenus. L’exemple le plus criant est sans conteste l’avis qui concerne l’usufruit. Cet avis considère que l’usufruit ne fera l’objet d’aucune requalification juridique (on est d’ailleurs en droit de se demande d’emblée si le principe même d’une requalification s’avère encore possible suite à la position de la Cour de cassation du 4 novembre 2005) dès lors qu’un ensemble de conditions sont respectées.

Parmi ces conditions figurent, notamment, l’obligation d’affecter 50 % de l’immeuble à un usage professionnel et l’obligation de payer un loyer à la société pour la partie privative de l’immeuble. Cette dernière condition s’écarte de manière évidente de la seule exigence prévue à l’article 18 de l’AR/CIR qui énonce qu’un avantage en nature pour mise à disposition gratuite d’un immeuble par une société au profit de son dirigeant est fixé à un montant forfaitaire. En outre, poursuit l’avis, ce loyer doit être conforme au prix du marché basé sur un contrat de bail enregistré. Ces conditions ont pour effet de rendre très difficile la réalisation d’une structure fiscale basée sur le mécanisme de l’usufruit, qui, lorsqu’elle n’est pas simulée, n’est en rien critiquable.

[1] Un arrêté royal du 3 mai 1999 est venu compléter ce régime et a créé une autre commission dite des « décisions anticipées » appelée à se prononcer sur une série de questions intéressant surtout des investisseurs étrangers, telle par exemple l’incidence fiscale d’un nouvel investissement en Belgique.

[2] Comme le souligne R. Forestini dans un cahier pratique de cette collection, on pouvait regretter l’absence de représentant du monde économique au sein de ce service, surtout lorsqu’il s’agit d’apprécier les raisons et les incidences économiques de certaines opérations, telles des opérations de restructuration.

[3] Article 20 de la loi du 24 décembre 2002.

[4] Comme l’écrivent Th. Afschrift et P. Hautfenne, « la décision anticipée n’est nullement un contrat : il n’y a d’engagement que de la part de l’administration, et non du contribuable qui reste entièrement libre de faire ou ne pas faire ce qui est annoncé dans sa demande » (in « La réforme de l’impôt des sociétés par la loi du 24 décembre 2002 », J.T. du 24 mai 2003, no 6098, p. 406).

[5] Une telle demande pourra porter tant sur le principe de taxation d’un acte déterminé que sur un taux de taxation, une base d’imposition ou l’application éventuelle d’une mesure anti-abus de droit.

[6] Article 22 de la loi du 24 décembre 2002.

[7] Article 21 de la loi, complété par l’arrêté royal du 30 janvier 2003 (MB du12 février 2003).

[8] Lorsqu’un contribuable a déjà accompli certains actes (telle la signature d’un contrat) mais ne demande un avis que sur un acte postérieur, la demande doit être considérée comme recevable.

[9] Exposé des motifs, Doc. Parl., Ch. no 50-1918/001, p. 59.

[10] P. Hautfenne et Th. Afschrift, op. cit., p. 405.

[11] à l’adresse suivante : rue Marie-Thérèse, 1000 BRUXELLES, tél.0257 938 00, fax 0257 95, ou par email (dvbsda@minfin.fed.be)

[12] Signalons que lorsqu’une demande de décision anticipée et une décision ont déjÀ été rendues sur le même objet par les autorités fiscales d’État membre de l’Union européenne ou d’État tiers avec lesquelsla Belgique a signé une convention préventive, le requérant devra annexer à sa demande en Belgique copie de cette demande et de cette décision.

[13] Article 21, al. 4 de la loi du 24 décembre 2002.

[14] Article 21, alinéa 5 de la loi de 2002.

[15] J. Thilmany, De l’impôt des sociétés au nouveau système de décision anticipée, Coll. « Cahiers de fiscalité pratique », Larcier, 2003, p. 225.

[16] Avis du Conseil d’État, Doc.Parl.,Ch. repr., no 50-1918/001, p. 130.

[17] Exposé des motifs, Doc. Parl., Ch. repr., no 50-1918/001, p. 67.

[18] Exp. Mot., Doc. parl., no 50-1918/001.

[19] Aucun délai n’est prévu dans la loi pour assurer cette publication.

[20] Dont notamment P. Hautfenne et Th. Afschrift (op. cit., p. 410).

[21] Pour une analyse plus détaillée de la matière, lire Pierre-François Coppens, « Les nouveaux atouts de la fiscalité belge pour les entreprises », Larcier, mars 2008.

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