Transfert en Belgique du siège social d’une société étrangère

Notre pays n’étant pas particulièrement réputé pour sa fiscalité attractive, la question du transfert en Belgique du siège social d’une société étrangère peut paraître saugrenue.

En relaient, divers argument peuvent plaider pour ce transfert :

Pour les actionnaires belges qui ont transférés le siège de leur société à l’étranger , les frais de gestion peuvent devenir de plus en plus dissuasifs ; la législation étrangère peut subir diverses modifications qui rendent le régime fiscal de ce pays moins intéressant ;  inversement les récentes modifications législatives intervenus en a Belgique (que l’on pense, notamment, là l’unité TVA, à la déduction des revenus de brevets ou à la déduction pour capital à risque) peuvent justifier un tel rapatriement.A cette occasion se posent plusieurs questions Convient-il de dissoudre la société soumise au droit du pays d’origine et constituer une société nouvelle en Belgique ?  La société étrangère qui transfère son siège social en Belgique acquiert-elle al nationalité belge ou sa nationalité d’origine, tout en étant soumise au droit des sociétés belge. Quelles sont les conséquences fiscales d’un tel transfert ?

Ces diverses problématiques supposent de se pencher au préalable sur les critères de rattachement qu’applique les Etats pour déterminer le droit applicable. il existe deux systèmes bien distincts : le système dit de « l’incorporation » qui est en vigueur dans la plupart des États anglo-saxons, aux Pays-Bas ou en Suisse, par exemple) : ces Etats considèrent qu’une société doit suivre le droit du pays où sont accomplies les formalités  de constitution (dépôt des statuts, enregistrement de la société) . D’autres Etats (dont la Belgique, l’Allemagne ou la France) se base sur le système dit du « siège réel », indépendamment du lieu où la société a été constituée. En Belgique c’est le lieu du principal établissement (siège effectif) qui déterminé le droit applicable aux sociétés.

La Courde cassation, dans un arrêt ancien célèbre (l’arrêt Lamot[1]) a jugé qu’un transfert en Belgique du siège social d’une société étrangère est possible sans que la personnalité juridique de la société étrangère n’en soit affectée si trois conditions sont réunies :

1. la législation du pays d’origine doit admettre le transfert de la société sans qu’il faille dissoudre cette société ;

2. la société doit avoir valablement transféré son siège social conformément aux prescriptions du droit du pays d’origine ;

3.la société doit adapter ses statuts pour les mettre en conformité avec le Code des sociétés belges (sans que les caractères essentiels en soient modifiées).

Si ces conditions sont respectées, la société étrangère conservera sa personnalité juridique et ne sera pas considérée come liquidée suite au transfert de son siège social en Belgique.

Le code de droit international privé belge (DIP) a intégré cette position dans son arsenal législatif (article 112 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code DIP).

Sur le plan fiscal, la loi du 11 janvier 2008(nouvel article 184 bis § 5 du CIR) est venue assurer un régime de neutralité fiscale pour les transferts versla Belgique.il importe de préciser que cette neutralité fiscale s’applique, indépendamment de la forme juridique de la société étrangère. A ce niveau, la loi du 11 janvier2008 aun champ d’application beaucoup plus large que la directive fiscale Fusion du 17 janvier 2005, puisque cette dernière n’accorde la neutralité fiscale qu’aux sociétés européennes (SE) et aux sociétés coopératives européenne (SCE).

L’article 184 ter § 2 énonce que :

Dans l’éventualité du transfert en Belgique de son siège social, de son principal établissement ou de son siège de direction ou d’administration, par une société étrangère, en ce qui concerne les éléments liés aux établissements étrangers ou aux éléments affectés à l’étranger dont cette société dispose, les plus-values et les moins-values réalisées ultérieurement en ce qui concerne ces actifs, sont déterminées sur la base de la valeur comptable qu’elles ont au moment de l’opération.


L’alinéa 2 ne s’applique pas s’il s’agit du transfert d’une société telle que visée à l’article 203, § 1 er, alinéa 1 er, 1°, sauf si cette société est établie dans un état membre de l’Union européenne et y est soumise aux dispositions du droit commun en matière des impôts.
Dans les éventualités visées à l’alinéa 2, pour ce qui concerne l’établissement et les éléments visés à cet alinéa, les dispositions du présent Code restent d’application selon les modalités et aux conditions qui y sont prévues, pour les réductions de valeur, provisions, sous-estimations, surestimations, subsides en capital, créances, plus-values et réserves relatifs à l’établissement belge ou aux éléments affectés en Belgique de la société préalablement au transfert de son siège en Belgique. Le transfert ne peut pas avoir comme conséquence que le délai initialement prévu de remploi de ces plus-values soumises à ces conditions est prolongé.
Dans la mesure où, en ce qui concerne des éléments affectés ou situés en Belgique, des plus-values sont exprimées à l’occasion d’un transfert visé à l’alinéa 2, celles-ci sont assimilées à des plus-values exprimées, non réalisées visées à l’article 44, § 1 er, 1°.


Dans les éventualités visées aux alinéas 1 er et 2, les moins-values, réductions de valeur ou amortissements par rapport aux éléments affectés à l’étranger au moment de l’opération ou du transfert de siège, sont toutefois uniquement pris en considération dans la mesure où ils résultent en une valeur fiscale nette inférieure à la valeur comptable de ces éléments au moment de l’opération ou du transfert diminué du montant des réévaluations de ces éléments faites avant le transfert de siège qui n’a pas été effectivement soumis à impôt dans le pays d’établissement de la société avant le transfert de siège
.

L’article 184 bis, § 5 du CIR nouveau énonce quant à lui que :

Dans l’éventualité où une société étrangère transfère en Belgique son siège social, son principal établissement ou son siège de direction ou d’administration et par suite de ce transfert, est soumise à l’impôt des sociétés belge, dans le chef de la société résidente apparue suite à ce transfert, le montant du capital libéré est censé correspondre au capital statutaire, aux primes d’émission et aux sommes souscrites à l’occasion de l’émission de parts bénéficiaires dans la mesure et les limites visées à l’article 184, alinéas 1 er et 2.

Les autres éléments des capitaux propres sont considérés comme des réserves taxées à l’exclusion des réserves exonérées liées à un établissement belge dont disposait cette société étrangère avant le transfert.

Par dérogation à l’alinéa 2, les autres éléments des capitaux propres transférés de l’étranger sont considérés comme des réserves exonérées s’il s’agit du transfert d’une société telle que visée à l’article 203, § 1 er, alinéa 1 er, 1°, sauf si cette société est établie dans un état membre de l’Union européenne et y est soumise aux dispositions du droit commun en matière des impôts.

L’exonération visée à l’alinéa 3 s’applique et reste d’application dans la mesure où cette quotité est portée et maintenue à un ou plusieurs comptes distincts du passif et où elle ne sert pas de base au calcul de la dotation annuelle de la réserve légale ou des rémunérations ou attributions quelconques.

La loi prévoit tout d’abord un report des plus-values. Cela signifie que les plus-values latentes liées aux actifs étrangers transférés ne sont pas taxées à l’occasion de transfert en Belgique. Les plus-values et les moins-values  qui interviennent suite au transfert du siège sur les actifs étrangers ne sont en général pas imposables ou déductibles en Belgique si l(établissement stable étranger est sis dans un pays avec lesquelsla Belgiquea signé une convention préventive de la double imposition.

Les plus-values ou moins-values qui sont réalisées par la suite sur les éléments de cet établissement étranger sont à déterminer sur la base de leur valeur comptable et non de leur valeur réelle.  Les moins-values, réductions de valeur ou amortissements sur les éléments situés à l’étranger ne sont pris en compte que dans la mesure où ils mènent à une réduction de la valeur fiscale nette de ces éléments au moment du transfert.  cette dispositions vise à lutter contre ce qu’on appelle un  «  step up fiscal » sur les éléments étrangers et éviter une déduction trop importante en Belgique.

Ces règles décrites ci-avant ne s’appliquent toutefois pas en cas de transfert d’une société étrangère qui n’est pas soumise à l’impôt sur les revenus ou qui est établie dans un pays dont les dispositions de droit commun sont notamment plus avantageuses qu’en Belgique (sociétés visées par l’article 203 §1er du CIR), sauf si cette société  est établie dans un Etat membre de l’Union européenne et y est soumise aux dispositions du droit commun en matière d’imposition.

En ce qui concerne les capitaux propres à reprendre en Belgique, la loi nouvelle précise que le capital libéré en Belgique à la suite du transfert correspond au capital statuaire augmenté des primes d’émission et des sommes souscrites à l’occasion de l’émission de parts bénéficiaires. Tous les autres éléments sont considérés comme des réserves taxées (sauf les réserves exonérées liées à un établissement belge préexistant).

Mais en cas de transfert d’une société étrangère qui n’est pas soumise à l’impôt sur les revenus ou qui est établie dans un pays dont les dispositions de droit commun sont notamment plus avantageuses qu’en Belgique, ces autres éléments de capitaux propres seront considérés comme des réserves exonérées en Belgique, sauf si cette société  est établie dans un Etat membre de l’Union européenne et y est soumise aux dispositions du droit commun (donc, à l’exclusion, par exemple, des holding 29)  en matière d’imposition (dans ce dernier cas ces réserves seront considérées comme taxées).  ces règles sont plus sévères qu’avant l’entrée en vigueur de la loi, le ministre des Finances ayant antérieurement déclaré que le critère de taxation prévalait sur le taux d’imposition appliqués aux réserves).

Ajoutons encore que les pertes fiscales attribuées à l’établissement belge préexistant de la société étrangère sont intégralement transférées à la société belge nouvelle sans la moindre limitation.

 


[1] cass., 12 novembre 1965, Pas. 1966, 336.

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