LA NOUVELLE DÉDUCTION POUR REVENUS DE L’INNOVATION EN 20 QUESTIONS

ce 19 février 2017, le Moniteur belge a publié une loi introduisant en Belgique une nouvelle déduction appelée à un bel avenir et que nous ne pouvions passer sous silence : la déduction pour revenus d’innovation.

Nous avons disséqué les textes de loi, l’Exposé des Motifs ainsi que les premiers commentaires et études consacrés à ce nouveau régime, et vous en proposons une synthèse du régime sous forme de questions.

 

  1. Pourquoi une nouvelle déduction ?

La nouvelle déduction pour revenus de l’innovation vise à remplacer la déduction pour revenus de brevets qui fut abrogée par la loi du 3 aout 2016 portant des dispositions fiscales urgentes.

Depuis l’exercice d’imposition 2008, les sociétés pouvaient déduire 80% des revenus bruts qu’elles retiraient de leurs brevets. La finalité de ce régime était de stimuler la recherche et le développement. En pratique le taux effectif de ces revenus était donc de 6,798 % (20% de 33,99%).

Ce régime a fait l’objet d’un examen dans le cadre du programme « Base Erosion and Profit Shifting » (BEPS) développé par l’OCDE.

La conclusion de l’OCDE fut sans appel : ce régime ne satisfait pas aux conditions du programme BEPS et il doit être abrogé.

Il s’ensuit que le gouvernement a dû mettre un terme à cette déduction, ce qui fut fait à compter du 1er juillet 2016 pour tous les revenus de brevets.

Selon l’Exposé des motifs de la loi du 3 aout 2016, les brevets obtenus demandés le 1er juillet 2016 ou plus tard et les brevets améliorés dont le brevet ou les droits de licence sont acquis le 1er juillet 2016 ou plus tard, ne peuvent plus donner lieu à la déduction pour revenus de brevets.

Une mesure transitoire est cependant prévue, en accord avec l’OCDE : les entreprises pourront toujours appliquer la déduction pour revenus de brevets octroyés avant le 1er juillet 2016 (jusqu’au plus tard le 30 juin 2015), sous certaines conditions, et peuvent continuer à bénéficier durant cinq exercices de cet ancien régime, soit jusqu’au 30 juin 2021.

En remplacement de cette déduction, fut progressivement mise en chantier une nouvelle déduction au champ d’application plus élargi et à présent conforme aux directives du plan d’action BEPS : la déduction pour revenus d’innovation.

Ces directives requièrent que ce régime ne soit pas mis en place à des fins de pure optimisation fiscale (notamment au sein d’un groupe d’entreprise liées) et ne soit accordé qu’à la condition expresse qu’il y ait une présence économique effective de l’entreprise candidate au régime sur le territoire belge.

Le gouvernement sera donc attentif à cette exigence que seules seront prises en considération pour la nouvelle déduction les activités de recherche et développement réellement supportées par l’entreprise même.

Cette philosophie nouvelle qui consiste à ne réserver une aide fiscale que si une activité (une « substance ») suffisante est présente dans l’Etat qui octroie le régime préférentiel a conduit à la mise en place de règles et calculs complexes) dont le ratio dit « Nexus ».

Ce ratio limite le régime préférentiel proportionnellement à la partie des dépenses qui se rapporte au développement du droit de propriété intellectuelle spécifique.

 

  1. Quels sont les articles modifiés ou créés dans le CIR ?

La Loi du 9 février 2017 (M.B. 20 février 2017) portant introduction d’une déduction pour revenus d’innovation entraîne la modification des articles suivants du CIR :

art.46 ;art.194quinquies (nouveau) ; art.205/1; art.205/2; art.205/3; art.205/4 ; art.212 ; art.229 ; art.231 ;  art.236bis ; art.286 ;art.416

Dans le titre III, chapitre II, section III, du Code, il est donc inséré une sous-section VI, rédigée comme suit : « Sous-section VI – Revenus d’innovation exonérés (articles 205/1 à  205/4).

Dans le titre III, chapitre II, section III, sous-section VI, du même Code, insérée par l’article 3, il est inséré un article 194quinquies

La présente loi produit ses effets le 1er juillet 2016.

 

  1. Qui a droit à ce régime ?

La nouvelle déduction pour revenus d’innovation s’applique tant aux sociétés belges (soumises à l’impôt des sociétés) qu’aux établissements stables belges de sociétés, mais à condition en ce cas que le droit de propriété intellectuelle soit affecté à cet établissement stable.

La déduction pour revenus d’innovation s’applique quel que soit le pays dans lequel le droit de propriété intellectuelle a été protégé.

  

  1. A quels droits de propriété intellectuelle ce régime s’applique-t-il ? (Article 205/1, §2, 1° du CIR).

Animé du désir de créer un cadre fiscal élargi pour l’innovation, le Gouvernement a décidé d’étendre sensiblement le nouveau régime par rapport à la déduction pour revenus de brevets.

La déduction ne sera désormais plus uniquement octroyée pour les revenus provenant de brevets et certificats complémentaires de protection, mais est étendue :

  • aux droits d’obtention végétal: l’amélioration des variétés végétales via leur culture nécessite un investissement important en temps ainsi qu’en argent. Etant donné qu’il est relativement facile de reproduire une plante dès lors qu’elle est sur le marché, il est important de protéger les nouvelles variétés végétales par un droit de propriété intellectuelle afin de garantir que les investissements consacrés à leur développement soient amortis. Ce droit est visé par la nouvelle loi.
  • aux médicaments orphelins: médicaments à usage humain destinés au traitement de maladies graves et rares.
  • à l’exclusivité des données ou à l’exclusivité commerciale attribuées par les pourvois publics
  • et aux programmes d’ordinateur protégés par le droit d’auteur.

Cette extension à d’autres propriétés intellectuelles a justifié la nouvelle appellation de “revenus d’innovation”.

La déduction pour revenus d’innovation s’applique aux droits de propriété intellectuelle dont la société est plein-propriétaire, copropriétaire, usufruitière, titulaire de licence ou titulaire de licence ou de droits.

La grande différence par rapport à l’ancien régime est qu’il est déjà possible de bénéficier de l’exonération à partir du moment où un droit de propriété intellectuelle concerné est demandé. La demande de reconnaissance de la propriété intellectuelle sera donc suffisante pour la constitution d’une réserve exonérée.

Dans la mesure où, à ce stade de la simple la demande, il ne peut pas être établi que la demande sera finalement approuvée, la loi prévoit qu’une exonération temporaire est octroyée uniquement durant la période où la demande est en cours.

Dès que le droit de propriété intellectuelle demandé est effectivement accordé, l’exonération jusque-là temporaire deviendra définitive.

Toute propriété intellectuelle relative au marketing est exclue de la déduction pour revenus d’innovation.

Les revenus provenant de nom, logos, formes, et les modèles d’utilité ne sont pas pris, eux non plus, en considération pour la déduction pour revenus d’innovation.

 

  1. Que vise la catégorie « programmes d’ordinateur protégés par le droit d’auteur » ?

La catégorie “programmes d’ordinateur protégés par le droit d’auteur” ne doit pas faire l’objet d’une demande de propriété intellectuelle contrairement aux 4 autres catégories.

La raison en est qu’ils sont déjà protégés par le droit d’auteur.

Seuls les “nouveaux” programmes d’ordinateur protégés (par le droit d’auteur (développés après le 1er juillet 2016) seront pris en considération pour la déduction pour revenus d’innovation.

S’il s’agit d’une création dérivée ou d’une adaptation provenant d’un programme d’ordinateur existant, seule la création dérivée ou l’adaptation sera soumise à la condition de nouveauté si elle est postérieure au 1er juillet 2016.

L’application du régime de déduction pour revenus d’innovation s’applique au développement ou à l’amélioration, et l’avantage fiscal se rapporte exclusivement à la création dérivée ou à l’adaptation développée.

Les programmes d’ordinateur protégés par le droit d’auteur, y compris des œuvres dérivées ou des adaptations de programmes d’ordinateur existants, sont considérés comme protégés par le droit de propriété intellectuelle dans le cadre de la présente loi s’ils sont le résultat d’un projet ou programme, de recherche et / ou de développement au sens de l’article 275 3 § 3, CIR  92, pour l’application de la dispense de versement du précompte professionnel.

Des projets ou programmes de recherche ou de développement qui ont été notifiés à BELSPO et pour lesquels un avis contraignant a été reçu sont dans tous les cas considérés comme droit de propriété intellectuelle au sens de la présente loi.

Si aucun avis contraignant n’a été demandé par le contribuable dans ce cadre de la dispense de versement du précompte professionnel, un avis contraignant peut encore être demandé à BELSPO aux seules fins de l’application de la déduction pour revenus d’innovation (par exemple, parce que le programme d’ordinateur a été développé par des personnes qui ne possèdent pas un diplôme qualifiant).

 

  1. Quel est le taux de déduction pour revenus d’innovation ? (Article 205/1 §1er du CIR)

La déduction pour revenus d’innovation permet d’immuniser fiscalement à l’impôt des sociétés ou à l’impôt des non-résident 85% des revenus nets d’innovation.

Ce pourcentage est à limiter le cas échéant par une fraction (ratio Nexus) (voir questions 10 à 12).

 

  1. Un centre de recherche est-il requis ?

Dans l’ancienne déduction pour revenus de brevets, un centre de recherche était exigé, sauf pour les PME qui avaient obtenu une dérogation.

Dans le cadre du nouveau régime de la déduction pour revenus d’innovation, cette exigence est abandonnée mais il y est substitué un test de substance (le lien entre l’activité de R&D et les revenus issus de cette R&D).

Cette exigence de substance se traduit par l’application du « Ratio Nexus » (voir infra)

  

  1. Quels sont les revenus d’innovation à prendre en considération ? (Article 205/1, §2, 2° du CIR)

La nouvelle déduction vise un champ beaucoup plus large de revenus que la déduction pour revenus de brevets.

Il s’agira :

  • des redevances de licences (dans la mesure où ces redevances se retrouvent dans le résultat imposable en Belgique de la période imposable)
  • des indemnités dues à la société, soit sur la base d’une décision judiciaire ou arbitrale, soit sur la base d’un accord amiable, soit sur la base d’un contrat d’assurance, suite à la violation d’un droit de propriété intellectuelle ( et dans la mesure où ces indemnités ont trait directement au droit de propriété intellectuelle et se retrouvent dans le résultat imposable en Belgique de la période imposable).
  • des sommes obtenues à l’occasion d’une aliénation du produit ou service résultant du brevet ou du droit d’obtention végétal : dans ce dernier cas, la partie du prix de vente qui peut être considérée comme un revenu d’innovation correspond à la redevance qu’un tiers aurait dû à la société)

Il importe que les redevances et sommes perçues soient conformes au marché, ce qui signifie que la redevance ou le prix ne doit pas être plus élevé que celui qui aurait été conclu entre des parties indépendantes.

Dans le cas d’un droit de propriété intellectuelle, tant développé entièrement ou partiellement par la société elle-même, sous condition que ce droit ait été constitué au plus tard dans la période imposable qui précède celle durant laquelle l’aliénation a eu lieu, lorsqu’un droit de propriété intellectuelle acquis, amélioré ou non, est revendu, l’acquisition doit avoir lieu au moins 24 mois avant l’aliénation.

  

  1. Comment détermine-t-on ces revenus d’innovation ? (Article 205/1, §2, 3° et 5° du CIR)

 

La loi précise que le régime de déduction des revenus d’innovation porte sur les revenus nets d’innovation.

On vise ici les revenus d’innovation diminués des dépenses de l’année reprises dans les frais + les frais des exercices comptables antérieurs se clôturant après le 30 juin 2016 (puisque la loi entre en vigueur le 1er juillet 2016)

Tout solde négatif est reporté à l’année suivante.

Les frais des exercices comptables précédents peuvent être étalés sur une période de maximum 7 exercices d’imposition afin de permettre au contribuable qui a réalisé des investissements substantiels en phase initiale de bénéficier de l’incitant fiscal dès qu’il commence à percevoir des revenus.

Par ailleurs, ces frais historiques ne doivent en principe être soustraits que durant la première année au cours de laquelle la déduction est appliquée pour un droit de propriété intellectuelle déterminé, mais si ces dépenses dépassent les revenus de propriété intellectuelle, le solde sera reporté sur l’année suivante.

Exemple : une société a un revenu d’innovation de 100.000 EUR et a supporté des dépenses de R&D à concurrence de 100.000, mais avait déjà payés des frais antérieurs pour 700.000 EUR. Elle pourra opter entre :

  • Soit déduire cette première année 700.000 EUR des revenus bruts
  • Soit déduire 200.000 EUR des revenus bruts, puis 100.000 EUR au cours de chacune des six années suivantes.

Le choix de l’étalement et du nombre d’années est irrévocable.

Pour déterminer si un coût a directement trait aux revenus d’innovation, il ne faudra pas se baser sur la « nature » des coûts, mais sur leur véritable « utilisation ».

L’exposé des motifs de la loi donne l’exemple suivant : Prenons le cas des coûts salariaux d’un chercheur qui se consacre exclusivement au développement d’une propriété intellectuelle, dans ce cas ces coûts salariaux devront être comptabilisés selon leur “nature” dans les comptes de charges concernant les rémunérations, charges sociales ou pension, sans égard au fait que le travailleur pour lequel les coûts salariaux sont exposés s’occupe exclusivement de recherche et développement.

Les revenus d’innovation doivent être compris dans le résultat imposable en Belgique pour être éligibles. La déduction ne s’applique pas aux revenus imputés à des établissements stables étrangers.

  1. Comment calculer la déduction ? (le ratio Nexus) ?

(Article 205/3 §1er du CIR)

Pour calculer le montant de la déduction que l’on peut obtenir, il faut calculer le « Ratio Nexus » de l’entité belge.

Que signifie ce ratio ?

Le but de cette fraction (définie par l’OCDE) est de ne pas admettre, pour la déduction, les brevets acquis et les frais de R&D sous-traités auprès d’entreprises liées (toujours dans cette perspective d’éviter toute optimisation fiscale entre entreprise liées).

En revanche, les frais de R&D encourus au sein de l’entreprise et ceux qui sont sous-traités auprès d’entreprises tierces ne pénalisent pas le ratio Nexus.

Dans cette fraction, figure au numérateur les dépenses « qualifiantes », à savoir :

  • Les frais de R&D internes
  • + les frais de R&D externes hors groupe (ou ceux qui sont refacturés sans marge par une entreprise liée)

Au dénominateur, on trouve les dépenses qualifiantes et non qualifiantes :

  • Les frais de R&D internes
  • + les frais de R&D externes hors groupe (ou ceux qui sont refacturés sans marge par une entreprise liée)
  • + Les frais d’acquisition de droits de propriété intellectuelle (ex. achat de brevets)
  • +Les frais de R&D externe intragroupe

Donc, si une société n’externalise pas la R&D à des entreprises liées ou ne fait pas l’achat de droits de propriété intellectuelle, le ratio Nexus est de 100% et la déduction pour revenus d’innovation de 85 % ne subit dès lors aucune limitation supplémentaire.

Le résultat du ratio Nexus est majoré de 30% (avec un maximum de 100% après majoration). La raison de de cette majoration est de ne pas pénaliser les sociétés qui sous-traitent une partie des leurs activités de R&D au sein de groupe ou qui améliorent des droits de propriété intellectuelle acquis.

Les charges d’intérêts, les amortissements ou les frais de location de bâtiments ou les charges qui ne sont liées à aucune activité de R&D sont totalement exclus du ratio Nexus

La formule globale de déduction est donc :

(Revenus bruts d’innovation – dépenses en matière de R&D) x [Dépenses qualifiantes R&D/ Total des dépenses R&D] x 1,30 x 85%

En principe, le calcul doit s’effectuer de manière individuelle pour chaque droit de propriété intellectuelle.

Les contribuables doivent donc attribuer les revenus et les coûts aux différents actifs incorporels pris séparément.

Cependant si cela ne peut se faire en pratique, l’attribution peut s’opérer par type de produit ou service, ou encore par groupe de produits ou services.

Cette méthode sera appropriée lorsque plusieurs droits de propriété intellectuelle interviennent dans la conception d’un ou plusieurs produits ou services.

  

  1. Comment illustrer par des exemples cette formule ?

Exemple 1 : Soit une entreprise qui a les dépenses et revenus suivants liés au développement d’un droit de propriété intellectuelle (la société n’a pas opté pour une répartition sur 7 ans maximum des frais) :

 

  De juillet à déc. 2016 2017 2018
Dépenses R&D qualifiantes (Frais de R&D internes au Numérateur)     1.000   2.000   500
Dépenses R&D non-qualifiantes (frais de R&D sous-traités auprès d’entreprises liées)     500    700        0
Total dépenses R&D     1.500     2.700    500
Revenus bruts d’innovation     1.200    4.000  6.000
Dépenses R&D déduites des revenus bruts d’innovation   -1.200  –  2.700  – 500
Récupération des frais historiques        0  – 1.000        0
Revenus nets d’innovation (i)        0     300 5.500
Total des dépenses R&D qualifiantes

X 130% (a)

   1.300     3.900    4.550
Total dépenses (cumul) (Dénominateur) (b)    1.500   4.200    4.700
« Ratio Nexus » = (a/b)  86,67% 92,86% 96,81%
Déduction pour revenus d’innovation = Revenus nets d’innovation (i) x « Ratio Nexus »     x 85%  

0

 

237

 

4.525,87

Dépenses qualifiantes qui peuvent être reportées)    1.000        0       0

 

Exemple 2 : Soit une entreprise qui a les dépenses et revenus suivants liés au développement d’un droit de propriété intellectuelle (la société n’a pas opté pour une répartition sur 7 ans maximum des frais) :

 

  De juillet à déc. 2016 2017 2018
Dépenses R&D qualifiantes (Frais de R&D internes au Numérateur)     2.000   2.000   500
Brevet acquis (amorti en 5 ans)     5.000    0        0
Total dépenses R&D 3.000 (2000+ 1/5 de 5.000) 3.000(2000+ 1/5 de 5.000 1.500(500+ 1/5 de 5.000
Revenus bruts d’innovation     1.000    7.000  10.000
Dépenses R&D déduites des revenus bruts d’innovation   -1.000  –  3.000  – 1.500
Récupération des frais historiques        0  – 2.000        0
Revenus nets d’innovation (i)        0    2.000 8.500
Total des dépenses R&D qualifiantes

X 130% (a)

   2.600     5.200    5.850
Total dépenses (cumul) (Dénominateur) (b)    7.000   9.000    4.700
« Ratio Nexus » = (a/b)  37,14% 57,77% 65 %
Déduction pour revenus d’innovation = Revenus nets d’innovation (i) x « Ratio Nexus »     x 85%  

0

 

982

 

4.696

Dépenses qualifiantes qui peuvent être reportées)    2.000        0       0

 

Dans ce dernier exemple, on notera que pour la détermination des revenus d’innovation, on peut uniquement compenser les revenus bruts avec l’amortissement.

Mais pour déterminer le ratio Nexus, il faut tenir compte de la dépense totale (2.000 + coût du brevet de 5.000).

  1. Peut-on déroger à ce ratio Nexus ? (205/3, § 2 du CIR) ?

En dépit de la majoration de 30% offertes aux sociétés, dans des cas exceptionnels, la société peut défendre que le ratio ne corresponde pas à la valeur générée par les dépenses R&D éligibles et n’offrent pas d’image correcte de la réalité.

Puisqu’il s’agit d’une dérogation exceptionnelle, la société devra clairement prouver que la valeur ajoutée des activités R&D effectuées en propre a un impact plus lourd que ce qui apparaît dans une des fractions.

Vu que cette dérogation s’écarte de la philosophie du plan d’action BEPS, la société ne pourra postuler une revalorisation du ratio que via une demande de décision anticipée conformément à l’article

En outre, le ratio nexus (avant majoration de 30%) doit au moins atteindre 25 %.

 

  1. Quelles sont les conséquences en cas de vente d’un droit de propriété intellectuelle ? (Article 205/4 §5 du CIR) ?

Les montants obtenus à l’occasion de l’aliénation d’un droit de propriété intellectuelle peuvent bénéficier de la déduction pour revenus d’innovation.

Deux conditions sont toutefois requises :

  • le droit de propriété intellectuelle doit avoir la nature d’une immobilisation et être constitué au plus tard lors de la période imposable précédente, ou être acquis au cours des 24 moins écoulés. Puisqu’après l’acquisition, les revenus d’innovation seront diminués des frais directement liés, parmi lesquels les frais pour constituer ou acquérir le droit de propriété intellectuelle, le prix de vente total sera considéré comme revenu d’innovation brut au lieu de la plus-value comptable
  • La société doit réinvestir la totalité du prix des sommes obtenues à l’occasion de l’aliénation en dépenses de R&D pour le développement d’autres droits de propriété intellectuelle et ce endéans les cinq ans prenant cours le premier jour de l’année civile de l’aliénation (et au plus tard à la cessation de l’activité professionnelle).

Pour calculer le bénéfice taxable en cas de vente (sans remploi) et donc en cas de perte de la déduction, lorsque la société a choisi de répartir les frais sur une période maximale de six périodes imposables consécutives, les frais historiques ne sont pas pris en charge intégralement, la base imposable et le solde des frais historiques seront rétablis tels qu’ils auraient été si la société n’avait pas opté pour la méthode de l’étalement linéaire.

Exemple : Une société a, pour un brevet pour lequel elle a appliqué pour la première fois en 2017 la déduction pour revenus d’innovation, des frais historiques à concurrence de 70 000 EUR. Pour cette période imposable et la suivante, ce brevet (amorti en 5 ans) apporte chaque fois un bénéfice d’innovation de 50.000 EUR.

La troisième période imposable, le brevet est aliéné et il n’y a pas de bénéfice

La société n’a pas fait le réinvestissement du prix de vente. La fraction Nexus est 100%.

Les frais historiques à concurrence de € 70 000 ne sont pas déduits en une fois mais étalés sur les sept périodes imposables

2017 et 2018 : la société recevra, chaque fois pour la première et la deuxième période imposables, des revenus d’innovation nets de 40.000 EUR (50.000 – 10.000 (amortissement du brevet)).

La déduction sera, selon la formule : 100% x 40.000 x 85 % = 34.000

Pour les deux années, cela donne globalement pour ce brevet une déduction totale de € 68 000.

Si la société n’avait pas étalé les frais historiques, elle n’aurait pas bénéficié de la déduction au cours de la première période imposable (50.000 –  70.000) et au cours de la deuxième période elle aurait pu déduire 25 500 (50.000 –  20.000) x 100 % x 85 %).

2019 :  Le bénéfice imposable pour la troisième période imposable, pour laquelle la déduction pour revenus d’innovation n’est plus appliquée (car le brevet est vendu sans remploi), doit alors être majoré de 42. 500 (68.000-25.500)

Pourquoi 42.500 EUR ?

Parce qu’il est prévu que le bénéfice ne doit être majoré que d’un montant égal à la différence positive entre la déduction pour revenus d’innovation octroyée au maximum pour les sept périodes imposables antérieures concernant ce droit de propriété intellectuelle (dans l’exemple :  68.000 EUR)  et la déduction pour revenus d’innovation qui aurait été appliquée concernant ce droit de propriété intellectuelle si le contribuable n’avait pas étalé les frais historiques (dans l’exemple : 25.500 EUR).

 

  1. La société perd-elle le bénéfice de la mesure en cas de fusion, scission ou scission partielle ? (Article 229 §4, alinéa 5) ?

Alors qu’il subsistait une certaine incertitude sur cette question dans le régime de la déduction pour revenus de brevets, la loi prévoit que la déduction ne sera pas perdue dans le cadre des fusions, scissions ou opérations assimilées.

 

  1. Comment traiter cette déduction dans le bilan et la déclaration fiscale ? (Article 194 quinquies du CIR) ?

Le nouvel article 194 quinquies du CIR insère cette nouvelle déduction parmi les revenus exonérés (Sous-section VI- Revenus d’innovation exonérés).

Cette déduction intervient juste après la déduction pour revenus RDT.

En pratique il conviendra de procéder comme suit :

  1. La société remplit d’abord sa déclaration à l’impôt des sociétés ou à l’impôt des non-résidents comme s’il n’y avait pas de réserve exonérée pour revenus
  2. Le calcul de cette exonération se fera conformément aux modalités fixées aux s articles 205/1 à 205/4, CIR (fraction Nexus).
  3. Le montant total de revenus d’innovation à exonérer ne peut excéder, par période imposable, le bénéfice restant après la déduction pour RDT, mais avant la constitution de cette réserve exonérée.
  4. S’il reste un bénéfice insuffisant, après la déduction pour RDT, pour constituer entièrement cette réserve exonérée, la partie qui excède le montant limite peut être reportée sur les périodes imposables suivantes, en tenant compte des montants limites pour ces périodes imposables.
  5. Il est possible de revendiquer déjà l’exonération à partir de la période imposable au cours de laquelle la demande pour l’obtention d’un droit de propriété intellectuel considérée est faite,
  6. L’exonération n’est maintenue que pour autant que les revenus d’innovation exonérés sont et restent comptabilisés à un compte distinct au passif du bilan, et qu’ils ne servent pas de base pour l’attribution à la réserve légale ou pour le calcul de rémunérations ou attributions quelconques.
  7. Si la demande n’est plus en cours, parce que le droit de propriété intellectuelle a été effectivement accordé, la partie de la réserve exonérée le concernant est définitivement exonérée via une majoration de la situation de début des réserves taxées.
  8. Par contre, les revenus d’innovation exonérés sont considérés comme des bénéfices de la période imposable au cours de laquelle la demande a été refusée t le droit n’a pas été octroyé. Des intérêts de retard seront dus à partir du 1er janvier de l’année portant le millésime de l’exercice d’imposition pour lequel l’exonération a été accordée (article 416 du CIR).
  9. Dans le cas où la société, au moment où le droit de propriété intellectuelle est accordé, se trouve encore avec un transfert aux revenus exonérés, elle peut, en tenant compte du montant limite, encore l’exonérer au cours de cette période imposable ou au cours d’une des périodes imposables ultérieures. Puisque l’on sait que la demande sera effectivement acceptée, l’exonération ne s’effectuera plus via la réserve exonérée, mais directement via une majoration de la situation de début des réserves taxées.

  

  1. Un formulaire spécial est-il à joindre à la déclaration fiscale ? (Article 194 quinquies, §4 du CIR) ?

Pour pouvoir prétendre à la réserve exonérée, la société devra joindre un relevé à sa déclaration à l’impôt des sociétés ou à l’impôt des non-résidents, dont le modèle sera fixé par arrêté royal par le ministre des Finances ou son délégué

 

  1. Peut-on cumuler déduction pour revenus de brevets et déduction pour revenus d’innovation ?

La déduction pour revenus de brevets et la déduction pour revenus d’innovation peuvent être cumulés mais à condition que ces deux régimes s’appliquent à des droits de propriété intellectuelle différents.

Pour les brevets pour lesquels la demande a été introduite avant le 1er juillet 2016 ou pour les brevets qui ont été acquis avant le 1er juillet 2016, le contribuable peut revendiquer l’application de la disposition transitoire pour les revenus de ces brevets perçus jusqu’au 30 juin 2021. Le choix d’application de cette mesure transitoire constitue un choix irrévocable, il ne sera donc plus possible pour la société d’appliquer la déduction pour revenus d’innovation aux revenus de ces brevets obtenus durant la période transitoire.

 

  1. Peut-on cumuler déduction pour revenus d’innovation et déduction pour investissements ?

Le régime de la déduction pour revenus d’innovation n’empêche pas l’application de la déduction pour investissements afférente au même droit de propriété intellectuelle.

La déduction pour investissement est en effet calculée sur la base du prix d’acquisition ou du prix de revient, tandis que la déduction pour revenus d’innovation octroie un avantage fiscal aux revenus nets résultant de ce droit de propriété intellectuelle.

 

  1. Y a-t-il une obligation de documentation (Article 205/4 §1er du CIR) ?

Afin de permettre à l’administration de vérifier si les revenus d’innovation et la fraction par laquelle ils sont multipliés sont déterminés d’une façon correcte, la société est soumise à une obligation de documentation étendue.

Les informations et documents à transmettre sont :

  • la valeur réelle des droits de propriété intellectuelle que la société a acquis d’une entreprise liée et d’où le droit de propriété intellectuelle pris en considération est né. La société doit, en d’autres termes, prouver que le prix d’achat ou les indemnités sous forme de royalties ou de licences correspondent à ceux qui auraient été pratiqués entre entreprises indépendantes
  • le montant des revenus d’innovation qui est exclusivement afférent à un droit de propriété intellectuelle éligible;
  • le montant des coûts à porter en diminution de ce revenu d’innovation. La société ne devra pas uniquement démontrer les coûts de la période imposable, mais, en cas d’application, aussi ceux qui ont été faits ou supportés au cours d’une période imposable précédente et qui sont déduits des revenus d’innovation;
  • les dépenses qualifiantes et les dépenses globales qui ont directement trait à un droit de propriété intellectuelle éligible. Non seulement les dépenses de la période imposable doivent être démontrées, mais aussi celles de périodes imposables précédentes, afin de pouvoir établir la justesse des ratios avec lesquels les revenus d’innovation nets ont été multipliés

L’administration doit aussi être informée lorsqu’une société dispose de plusieurs droits de propriété intellectuelles pour lesquels des revenus d’innovation distincts sont déterminés

La société devra en ce cas déterminer le lien entre les revenus d’innovation et les dépenses qualifiantes et globales, d’une part, et le droit de propriété intellectuelle, d’autre part.

  1. Que penser de ce nouveau régime ?

Les avancées de ce nouveau régime :

Le nouveau régime de la déduction pour revenus d’innovation, grâce au champ d’application plus élargi que celui de l’ancienne déduction, pour revenus de brevets, permettra à de nombreuses entreprises de tirer profit d’avantages fiscaux qui ne leur étaient jusqu’à présent pas destinés.

On pense notamment aux sociétés actives dans le secteur informatique qui sont les grandes bénéficiaires du régime.  Octroyer une déduction aux sociétés qui conçoivent et développent des logiciels ou des créations dérivées est une excellente initiative du législateur.

Un autre atout du régime nouveau est que, par la mise en place de règles inspirées par le programme BEPS, il ne sera plus remis en cause par l’OCDE et ne devrait pas être qualifié, par les instances européennes, d’aides d’Etat sélective. On notera que le Conseil d’Etat avait pourtant considéré, dans son avis, qu’il subsistait un doute quant à cette qualification d’aide d’Etat sélective mais le législateur belge a interrogé la Commission européenne qui n’y a vu aucune sélectivité.

Si l’on ajoute cette nouvelle déduction à la liste des autres incitants fiscaux qui existent déjà en matière d’innovation (Dispense partielle de versement de Pr.P. pour chercheurs, Crédit d’impôt R&D, primes à l’innovation, déduction pour investissements en matière de recherche et développement, etc.), la Belgique figure à présent parmi les pays les plus attractifs en ce domaine sur le plan fiscal, ce qui ne peut que favoriser la recherche  et développement  et la création de nouvelles entreprises sur notre sol.

Une nouvelle dynamique est donc en marche et on ne peut que s’en réjouir.

 

Les inconvénients du nouveau régime :

La conséquence de cette exigence légitime de répondre aux directives du plan d’action BEPS de l’OCDE, est évidemment que ce nouveau régime pêche par une grande complexité.

La mise en place du ratio Nexus nécessitera de la part des entreprises un suivi comptable précis et sans doute l’établissement d’une comptabilité analytique.

Les obligations en termes de documentation risquent d’alourdir un peu plus encore la charge de travail administrative des sociétés.

La difficulté réside aussi dans le fait de prendre en compte des frais historiques dans le calcul de la déduction, ce qui est certes favorable mais nécessitera un examen rétrospectif pas toujours aisé.

D’une manière générale, on pressent les problèmes pratiques que vont rencontrer les entreprises pour identifier avec exactitude les dépenses qualifiantes, les revenus d’innovation visés, les charges admissibles, et pour évaluer correctement certains droits de propriété intellectuelle (tels que des brevets ou droits d’exploitation).

Certains concepts mériteraient aussi d’être mieux définis, ce qui se fera sans doute dans des circulaires ou arrêts royaux à venir. On notera aussi que par l’ajout de dispositions quinquies, ou des sous-articles (205/1 , 205/2 …), notre Code des impôts sur les revenus perd (un peu plus.) en lisibilité et on ne peut que plaider pour une nouvelle coordination de ce Code.

Le recours au Service des décisions anticipées pour déroger à la formule Nexus est une contrainte supplémentaire pour les entreprises et pose en outre un problème sur le plan de la séparation des pouvoirs, car on peut se demander si une telle dérogation peut être accordée par une instance administrative et non par une loi (sans compter le risque de subjectivité qu’une telle dérogation peut entraîner).

Enfin, pour bénéficier de la déduction pour un programme informatique développé, la société devra, de préférence, disposer d’un entérinement du Service public fédéral  pour la politique scientifique (BELSPO) qui vérifiera si le logiciel créé est bien le résultat d’un projet ou d’un programme de recherche admissible. Comment comprendre l’expression « de préférence » ? Y a-t-il  moyen d’obtenir cette déduction sans ouvrir un dossier Belspo ? Des éclaircissements ultérieurs seraient bienvenus.

 

 

 

 

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