Développements récents en matière d’utilisation des « constructions usufruit » à des fins fiscales

Au cours des dernières années, certains contribuables ont eu recours aux montages fiscaux  basés sur l’usufruit. Le mécanisme consiste traditionnellement  à faire acquérir l’usufruit d’un immeuble par une société tandis que la nue-propriété revient à son dirigeant qui, en général, dispose de l’immeuble à titre gratuit. La matière a connu d’importants bouleversements ces dernières années, la jurisprudence et l’administration ayant eu à se prononcer régulièrement sur ce nouvel instrument de « tax planning ». L’objet de cet article est précisément d’analyser, tout au long des étapes qui jalonnent l’opération (constitution, vie et extinction de l’usufruit) les principales incidences fiscales et  les éventuels risques fiscaux de ce montage, à la lumière de ces développements récents.

INTRODUCTION

  1. Avantages fiscaux liés à l’utilisation de la « construction usufruit ».
  2. Si un contribuable désire obtenir une déduction importante des charges inhérentes à  son immeuble, une solution traditionnelle consistera pour lui  à acheter cet immeuble par l’intermédiaire de sa société. L’immeuble étant  devenu un actif de la société, les frais et amortissement liés à cet actif pourront être déduits et réduiront sensiblement la base  imposable de la société. Dans le chef du dirigeant de la société, un avantage en nature sera généralement taxé pour mise à disposition gratuite de l’immeuble par sa société[1], sauf si ce dernier entend payer à la société un loyer qui, en tout état de cause ne peut être inférieur au montant de cet avantage. L’avantage de toute nature retenu ou le loyer payé étant moindre que le gain d’impôt lié aux  déductions de charges immobilières par la société, l’opération est fiscalement très intéressante.

    Mais le principal écueil à ce schéma est que l’immeuble est précisément logé dans la société et que sa sortie ne peut se faire sans conséquences fiscales dommageables. Lors de la revente de l’immeuble par la société, par exemple au moment de la cessation d’activité ou de la dissolution de la société, la plus-value réalisée sera intégralement taxable au tarif de l’impôt des sociétés[2]. Et si l’immeuble est totalement amorti[3] (la valeur nette comptable étant égale à zéro), la plus-value correspondra même au prix de vente de l’immeuble, ce qui anéantit les avantages fiscaux obtenus.

    C’est pour cette raison, qu’est née, il y déjà quelques années, la technique dite «  construction usufruit », devenue assez populaire. Le mécanisme consiste en l’acquisition de l’usufruit d’un immeuble par la société  (en général à concurrence de 80 % de la valeur de la pleine propriété de l’immeuble) tandis que l’acquisition de la nue-propriété est réalisée par le dirigeant de cette société.  Les avantages fiscaux liés à ce type d’opération sont importants :

  3. en tant que titulaire d’un droit réel sur l’immeuble, la société pourra déduire toutes les charges liées à l’immeuble : précompte immobilier, frais d’entretien et de réparation, charges financières ainsi que sa quote-part dans les frais d’acquisition qui peuvent être pris en charge en une fois (ou étalés sur la durée de l’usufruit) ;
  4. la société pourra amortir l’immeuble (en ce compris le terrain!) et les travaux d’aménagement sur la durée de vie de l’usufruit, ce qui permet un amortissement accéléré par rapport à l’amortissement, en général de 3%, sur la pleine propriété d’un immeuble ;
  5. la société supportera une partie des coûts des travaux et des divers aménagements de l’immeuble, si l’usufruit porte sur un terrain à bâtir, ce qui par conséquent  permet au dirigeant de libérer d’importantes liquidités dont il ne pourrait disposer s’il avait à assumer de telles charges à titre personnel ;
  6. l’immeuble sera mis à disposition  à titre gratuit au profit du dirigeant moyennant la taxation d’un avantage de toute nature dont l’évaluation est fort avantageuse ;
  7. ce mécanisme permet en outre d’éviter la requalification d’un loyer en revenu professionnel. En effet, l’article 32, 3° du Code des impôts sur les revenus (ci-après « C.I.R. »)  prévoit que les loyers et avantages locatifs d’un bien immobilier bâti donné en location par une personne physique à la société dans laquelle elle exerce un mandat d’administrateur, de gérant ou de liquidateur sont requalifiés en rémunérations dans la mesure où ces loyers et avantages excèdent 5/3 du revenu cadastral revalorisé du bien loué. L’article 32 du C.I.R. n’envisage donc la requalification que dans l’hypothèse d’une location et non dans celle d’un usufruit. En acquérant l’usufruit de l’immeuble, la société ne doit donc pas verser un loyer à son dirigeant, loyer susceptible d’être requalifié en rémunération, s’il devait s’avérer excessif ;
  8. et enfin, lors l’extinction de l’usufruit, le dirigeant retrouve la pleine propriété sans avoir à acquitter en principe d’indemnité, par le seul jeu du remembrement. En outre, aucun droit d’enregistrement de 10 ou 12,5% n’est dû à cette occasion. Toute cession ultérieure de l’immeuble par le dirigeant devenu plein propriétaire devient en principe un acte de gestion de patrimoine privé, non taxable.
  9. Objet de l’étude.
  10. Comme il fallait s’y attendre, ce type de montages fiscaux basés sur l’usufruit a très rapidement attiré l’attention de l’administration fiscale qui y a vu un moyen de s’approprier indûment des avantages fiscaux, par le biais de déductions abusives de charges immobilières et d’une recherche d’exonération de toute plus-value réalisée lors de la cession de l’immeuble par la société. Le propos de cette étude vise précisément à exposer les principales conséquences fiscales qui s’attachent à ces « constructions usufruit » et à décrire (et le cas échéant, démonter) les procédés auxquels l’administration a recours pour les combattre.

    A cette fin, après un rapide inventaire des règles civiles qui caractérisent le droit réel d’usufruit, nous examinerons les diverses implications fiscales de l’opération qui se manifestent lors de la constitution de l’usufruit, tout au long de la vie de l’usufruit et à l’extinction du droit d’usufruit. Seront ainsi étudiées les problématiques suivantes : la  valorisation de l’usufruit, la taxation des avantages de toute nature pour mise à disposition d’un immeuble par une société au profit de son dirigeant, l’admission des charges grevant l’immeuble qui sont assumées par la société usufruitière, la durée de l’amortissent d’un immeuble pris en usufruit, la requalification juridique par l’administration de l’usufruit en « loyer payé d’avance » et l’éventuelle taxation d’un avantage dans le chef du nu-propriétaire lors de l’extinction de l’usufruit.

    Il convient de préciser que notre analyse porte exclusivement sur l’opération consistant en l’acquisition simultanée de l’usufruit d’un immeuble par une société et de la nue-propriété de cet immeuble par son dirigeant. Ne seront donc pas traitées la constitution ou la cession d’un droit d’usufruit au profit d’une société sur un immeuble appartenant déjà à son dirigeant[4], ou toute autre opération présentant une analogie quelconque avec cette opération. La présente étude ne s’attardera pas par ailleurs sur les questions particulières en matière de droits d’enregistrement.

  11. Les traits principaux de l’usufruit dans notre législation.
  12. L’article 578 du Code civil définit l’usufruit comme « le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance »[5]. La naissance d’un droit d’usufruit conduit à une scission économique du bien qui est l’objet du droit[6]. Le droit d’user du bien (ius utendi) et d’en percevoir les fruits (ius fruendi)[7] est accordé à l’usufruitier, le nu-propriétaire ne conservant que la valeur patrimoniale et ne disposant plus que du droit de disposer du bien (ius abutendi). L’usufruitier peut donc jouir lui-même du bien, le louer, transférer son droit à un tiers ou encore l’hypothéquer[8].

    Puisque le droit d’usufruit est un droit réel, le droit de l’usufruitier a trait au bien lui-même et ne représente pas le simple droit à l’encontre du propriétaire. Il est donc opposable à tout un chacun. L’usufruit est un droit temporaire : lorsqu’il est concédé à une personne physique, il est limité à la vie de l’usufruitier[9] ou à la période convenue. Lorsqu’il est concédé à une personne morale, la durée de l’usufruit ne peut excéder 30 ans[10]. Aucune durée minimale n’est toutefois prévue par la loi. Du caractère temporaire du droit usufruit, découlent certaines obligations essentielles dans le chef de l’usufruitier[11] : il doit se comporter, pendant l’usufruit, comme un bon père de famille, ce qui implique qu’il doit  éviter les pertes, dégradations dépérissements et abus de jouissance, de même qu’il doit maintenir l’affectation initiale du bien sans pouvoir la modifier[12].

    L’usufruitier est tenu d’effectuer les réparations d’entretien du bien[13]. Par « réparations d’entretien », il faut entendre, au sens de la loi, toutes celles qui ne qualifient pas de « grosses réparations ». On constate donc que l’obligation de l’usufruitier est bien plus large que celle du locataire qui n’est tenu qu’aux réparations locatives ou de menu entretien[14]. La question de la répartition des réparations entre l’usufruitier et le nu-propriétaire est source de nombreuses contestations ayant donné lieu à une jurisprudence abondante et dont l’examen dépasse le cadre de la présente étude[15].

    A l’expiration de l’usufruit, le nu-propriétaire a droit au retour normal des choses[16]. L’article 599 du Code civil énonce que l’usufruitier ne peut, à la cessation, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il a faites, encore que la chose ou son droit en soit augmenté. Le vœu du législateur est ainsi d’éviter toutes contestations éventuelles auxquelles les réclamations de l’usufruitier pourraient donner naissance[17]. Nous développons cette problématique dans notre partie consacrée à l’extinction de l’usufruit[18].

    CHAPITRE 1 : LA CONSTITUTION DE L’USUFRUIT

  13. La méthode d’évaluation traditionnellement adoptée lors des « constructions usufruit ».
  14. L’estimation correcte de la valeur de l’usufruit est une question essentielle. Notamment parce que cette question est étroitement corrélée à la problématique de l’éventuelle taxation d’un avantage en nature dans le chef du nu-propriétaire, que cette taxation intervienne au cours ou à l’expiration de l’usufruit.

    La valorisation d’un usufruit ne fait l’objet d’aucune disposition dans le Code des impôts sur les revenus. Les candidats à des telles « constructions usufruit » se tournent généralement vers des modes d’estimation issus d’autres branches du droit fiscal. En pratique, l’évaluation de l’usufruit sur un immeuble se fait sur base de l’article 47, alinéas 2 et 3 du Code des droits d’enregistrement qui fixe la base imposable pour le calcul des droits d‘enregistrement en cas de cession d’un usufruit temporaire sur un immeuble[19]. Cette disposition prévoit que « si l’usufruit est établi pour un temps limité, la valeur vénale est représentée par la somme obtenue en capitalisant au taux de 4% le revenu annuel, compte tenu de la durée assignée à l’usufruit par la convention, mais sans pouvoir excéder soit la valeur déterminée selon l’alinéa précédent, s’il s’agit d’un usufruit constitué au profit d’une personne physique, soit le montant de vingt fois le revenu, si l’usufruit est établi au profit d’une personne morale. En aucun cas, il ne peut être assigné à l’usufruit une valeur vénale supérieure aux quatre cinquièmes de la valeur vénale de la pleine propriété »[20]. Dans la plupart des cas, les contribuables évaluent l’usufruit à 80% de la valeur de la pleine propriété de l’immeuble, ce qui constitue le maximum autorisé par l’article 47 du Code des droits d’enregistrement[21].

  15. Le point de vue de l’administration.
  16. Cette méthode d’évaluation de l’usufruit prévue dans le code des droits d’enregistrement est de plus en plus sérieusement remise en cause. Dans une décision anticipée (favorable)  du 30 septembre 2003[22], l’administration fiscale avait certes admis que la méthode basée sur l’article 47 du Code des droits d’enregistrement puisse s’appliquer, mais a estimé dans la foulée que « la présente décision ne portait pas préjudice à l’imposition éventuelle dans le chef de M. X d’un avantage de toute nature visé à l’article 32, alinéa 2, 2° du C.I.R. », ce qui, pour le contribuable, ne pouvait que tempérer l’optimisme suscité par l’obtention d’une telle décision favorable. Une entaille plus prononcée à l’utilisation de ce mode d’évaluation est faite par le ministre des Finances à l’occasion d’une réponse à une question parlementaire. Ce dernier y précise que « pour évaluer l’usufruit, le produit actualisé des locations est, le cas échéant l’un des éléments et qu’en matière d’impôts sur les revenus il ne faut pas nécessairement se référer aux règles mentionnées dans le code des droits d’enregistrement ou de  succession » [23].

  17. Le jugement du 28 février 2005 du Tribunal de Première Instance de Mons.
  18. On observera que cette position reste encore assez nuancée. S’inspirant sans doute d’une telle position mais aussi (et surtout) d’une étude de J. Verhoeye[24] consacrée à la valeur économique d’un usufruit, le Tribunal de Première Instance de Mons rendit en février 2005 un jugement[25] rejetant sans détour la valorisation retenue traditionnellement dans le contexte des « constructions usufruit ». Selon le juge, les règles d’évaluation qui figurent dans le code des droits d’enregistrement ne peuvent tout simplement pas être transposées en matière d’impôts sur les revenus car « ces règles ne visent précisément qu’à déterminer la valeur de l’usufruit et la valeur de la nue propriété dans le seul cadre des droits d’enregistrement ».

    Les faits dont eut à connaître la juridiction de Mons méritent d’être exposés. Une société achète en 1998 un usufruit d’une durée de 8 ans portant sur un immeuble industriel pour un montant de +/- 664.000 € (ce qui représente 80 % du prix total de l’achat qui est de 830.000€), tandis que la nue-propriété est acquise par les deux administrateurs pour 166.000 € (20% du prix de l’achat). L’administration considère toutefois que la valeur de l’usufruit est limitée à 166.000 €. Puisque la valeur de la nue-propriété est de 664.000 € (soit 830.000-166.000), l’administration va imposer au titre d’avantage de toute nature la différence entre sa propre  valeur de la nue-propriété (664.000 €) et le montant convenu par les parties (166.000 €), soit  498.000 €. Cette taxation se justifie, pour l’administration, par le fait qu’à l’expiration de l’usufruit et « en exemption de tous impôts » les dirigeants deviendront pleins propriétaires indivis d’un immeuble dont la valeur conventionnelle de la nue-propriété a été sensiblement sous-évaluée. Pour couronner le tout, puisque cet avantage de toute nature n’a fait l’objet d’aucune fiche fiscale[26], ce montant doit, selon l’agent taxateur, être soumis à la cotisation distincte de 300% prévue à  l’article 219 du C.I.R.[27]. Cette position est maintenue par le directeur régional, qui permet toutefois à la société d’étaler la taxation de la cotisation distincte sur la durée de l’usufruit.

  19. La valeur économique de l’usufruit (l’actualisation des loyers nets).
  20. Le tribunal va tout d’abord se demander si le prix payé pour l’usufruit est ou non normal. Se basant sur l’analyse de Jan Verhoeye[28], le juge considère, comme l’auteur, que la valeur de l’usufruit doit correspondre à la valeur économique de ce droit réel qui doit être déterminée soit sur base de la valeur locative soit sur base des revenus locatifs réels. Concrètement, pour calculer la valeur économique d’un usufruit, il convient de partir du produit actualisé du rendement locatif brut pendant la durée de l’usufruit, dont on déduira ensuite les frais estimés que doit supporter l’usufruitier  (tels les frais d’entretien et le précompte immobilier[29]). La valeur de la nue-propriété se calcule alors comme « représentant la valeur du bien en pleine propriété, diminuée de la valeur au comptant du rendement locatif net de l’usufruit »[30]. Sur base de cette méthode, le juge considère que le loyer mensuel de l’immeuble en question peut être estimé à 5.000 € par mois.

    Il en déduit, que pour une durée de 8 ans, la valeur actualisée de l’ensemble des loyers mensuels est de 480.000 €. Cette valeur actualisée correspond dès lors à la valeur que doit avoir l’usufruit de l’immeuble. Par différence, la valeur de la nue-propriété est donc égale à 350.000 € (830.000 € – 480.000 €)[31]. La valeur de l’usufruit étant pour cette raison surévaluée par rapport à celle de la nue-propriété, le tribunal en conclut que les administrateurs ont obtenu un avantage de toute nature, car dans une relation avec des tiers, la société, dans des circonstances normales, n’aurait jamais payé un tel prix pour l’usufruit. Le tribunal se prononce aussi sur la question de l’existence d’un avantage de toute nature.

    Pour qu’un avantage soit imposé au titre d’avantage de toute nature, il faut trois conditions, réunies en l’espèce : un avantage (à savoir l’acquisition de la nue-propriété pour une valeur sous-évaluée compte tenu de sa valeur économique), un avantage de toute nature (qui peut consister, comme en l’espèce, en l’économie d’une dépense), et l’avantage doit être obtenu en raison ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle (le lien causal entre l’activité professionnelle et l’avantage résultant selon le juge du fait que les dirigeants n’auraient jamais payé un prix si faible, compte tenu de la durée de l’usufruit, pour l’acquisition de la nue-propriété s’ils n’avaient exercé un mandat dans la société).  Quant à la taxation de 300% frappant la société, c’est à bon droit, estime le juge, que l’administration a soumis l’avantage à la taxation d’une cotisation distincte puisque la société n’a pas mentionné cet avantage dans une fiche fiscale.

  21. Observations.
  22. Il faut admettre que la méthode d’évaluation forfaitaire fixée par le Code des droits d’enregistrement (ou par le Code des droits de succession) n’est plus déterminante dès lors qu’il s’agit de déterminer la valeur (temporaire) d’un usufruit en matière d’impôts sur les revenus. Bien qu’il soit trop tôt pour se prononcer sur la question de savoir si ces méthodes sont appelées à disparaître, et si nos cours et tribunaux suivront cette jurisprudence montoise, il apparaît néanmoins qu’aux côtés des valorisations juridiques bien connues, coexiste à présent une valorisation économique de l’usufruit dont il n’est plus permis de faire abstraction. On est en droit de se demander si cette approche économique n’est pas quelque peu réductrice en ce qu’elle limite la valeur d’un droit d’usufruit à la seule perception des revenus d’un immeuble (ius fruendi) sans prendre en compte cette autre composante de l’usufruit qu’est le droit d’usage de l’immeuble par la société (ius utendi), à condition bien sûr que ce droit ne soit pas cédé totalement au nu-proprétaire mais soit nécessaire à la société pour lui permettre d’exercer son activité.

    Cette  valorisation économique, qui consiste à calculer le produit réel actualisé de l’usufruit, peut, en tout cas, réduire substantiellement la valeur d’un usufruit, et par conséquent les avantages fiscaux liés aux « constructions usufruit ». Prenons en effet l’exemple d’un immeuble ayant un revenu brut de 14.000 € par an. Les frais et charges annuels incombant à l’usufruitier s’élèvent à 4.000 €. Le taux du marché est de 3%. Si l’on applique la formule retenue par M. Verhoeye ([produit annuel brut – frais] x 1-1/[1+i]n / i), la valeur d’un usufruit de 20 ans s’élève à 148.774,75 € (10.000 x 1-1/ (1,03)20/ 0,03).  Si l’usufruit est constitué pour une durée de 10 ans, la valeur de l’usufruit descend, sur base de la formule susmentionnée, à 85.302,03 €.

    CHAPITRE 2 : LA VIE DE L’USUFRUIT

    Section 1 : La mise à disposition de l’immeuble par la société au profit de son dirigeant.

    a) Avantage de toute nature dans le chef du dirigeant.

  23. Evaluation de l’avantage.
  24. Lorsque l’immeuble dont la société a l’usufruit est occupé totalement ou partiellement par le dirigeant à des fins privées, ce dernier est imposé sur base d’un avantage de toute nature  L’article 32 du C.I.R. énonce en effet que les rémunérations des dirigeants comprennent : « les avantages, indemnités et rémunérations analogues à celles qui sont visées à l’article 31, alinéa 2, 2° » (c’est à dire les « avantages obtenus en raison ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle »). Cet avantage est égal au revenu cadastral indexé multiplié par 200/60[32]. Le revenu cadastral envisagé est évidemment la partie du revenu cadastral relative à l’utilisation privative de l’immeuble et non la totalité du revenu cadastral.

    Par ailleurs, si le dirigeant ne dispose de l’immeuble qu’une partie de l’année, l’avantage doit être réduit et ne peut prendre en compte que le nombre de mois au cours desquels il a réellement disposé de l’immeuble. Si l’habitation est meublée aux frais de la société, l’avantage ainsi calculé est en outre majoré de 2/3[33]. Prenons l’exemple suivant : une société met à disposition de son dirigeant un immeuble d’habitation dont le revenu cadastral non indexé s’élève à 4.000 €. L’habitation n’est pas meublée. L’avantage en nature imposable dans le chef du dirigeant sera dès lors de 4.000 x 1,4276 (coefficient d’indexation pour l’exercice d’imposition 2007) x 200/60  = 19.034,67 €. Enfin, le montant de l’avantage imposable est encore augmenté de 1180 € et 590 € par an, si la société prend en charge les respectivement les frais de chauffage et les frais d’électricité de l’immeuble. Plutôt que de subir un tel avantage en nature, le dirigeant peut, certes, payer un loyer à la société. Si celui-ci n’atteint pas le montant de l’avantage en nature, la différence entre le loyer payé et l’avantage en nature obtenu de la manière décrite ci-dessus sera imposable dans son chef. Les  loyers feront bien sûr partie de la base imposable de la société. Il faut observer que l’administration n’est pas autorisée à substituer une autre évaluation (par exemple basée sur la valeur réelle de l’avantage) à cette évaluation forfaitaire.

    La Cour d’appel de Gand l’a bien  rappelé dans son arrêt du 4 décembre 2002[34]. En l’espèce, l’administrateur avait omis de déclarer cet avantage en nature. La société du dirigeant dont le siège social se situait dans l’immeuble et dont les statuts incluaient la gestion d’immeubles, avait fait installer une piscine adjacente à l’habitation qu’elle mettait gratuitement à disposition de son administrateur. L’administration fiscale, considérant que la construction de la piscine n’entrait pas dans le cadre de l’objet social de l’entreprise, rejeta l’amortissement pratiqué sur la piscine par la société et évalua que l’avantage en nature était égal à l’amortissement annuel de la piscine.La Cour d’appel de Gand donna tort à l’administration fiscale : l’achat d’une piscine rentre bien dans le cadre de l’objet social de la société tel que défini dans les statuts (achat et vente d’immeubles). Les frais de la piscine sont donc déductibles. Quant à l’avantage en nature, il doit nécessairement être évalué selon les règles prévues à l’article 18 de l’arrêté royal d’exécution du C.I.R., précise la cour, et c’est à tort que l’administration n’a pas fait application de cette disposition et y a substitué sa propre évaluation.

    b) La déduction des frais relatifs à l’immeuble par la société usufruitière et la conformité à l’objet social de la société.

  25. La condition de rattachement à l’objet social statutaire.
  26. L’article 49 du C.I.R. énonce que pour être déductible, une charge professionnelle doit être faite ou supportée pendant la période imposable en vue de conserver ou d’acquérir des revenus imposables et être justifiée au moyen de documents probants. La loi fiscale n’édicte en cette matière aucune autre condition. Cependant, depuis quelques années, l’administration suivie par la jurisprudence, se sont mises à ajouter une nouvelle exigence au texte de la loi : les charges professionnelles doivent en outre rentrer dans les limites de l’objet social statutaire. C’est précisément dans le domaine des charges immobilières que cette nouvelle position trouve le plus d’écho. Dans un arrêt du 10 mars 1999[35], la Cour d’appel de Liège a considéré que les dépenses immobilières occasionnées par une société n’étaient déductibles que si la société pouvait établir que ces dépenses étaient nécessaires à la réalisation de son objet statutaire. Les faits étaient les suivants : une SPRL ayant pour objet l’exercice de l’activité médicale est constituée par deux médecins.

    Les gérants achètent ensuite en nom propre un terrain. Ils accordent à la société un droit d’emphytéose sur le terrain. Le contrat d’emphytéose stipule que la société peut construire sur le terrain des bâtiments qui seront sa propriété jusqu’au terme du contrat. Pendant la durée du contrat, la société paie un canon d’un montant de 25.000 BEF par mois et fait construire l’immeuble. Dès la fin des travaux de construction, la société donne en location l’immeuble à ses gérants pour un loyer annuel de 300.000 BEF et déduit tous les frais liés à la construction de l’immeuble (amortissements, charges d’intérêt, etc.). L’administration, suivie par la Cour d’appel de Liège, a estimé que toutes les charges liées au bâtiment constituaient des libéralités non déductibles de la société car de telles charges sortent du cadre de l’activité sociale définie dans les statuts de la société. La Cour de cassation a confirmé, par un arrêt du 12 décembre 2003[36], la position du juge du fond.

    Dans une autre affaire, la même Cour d’appel de Liège[37] refusa la déduction des frais exposés dans le cadre d’opérations de type « option put » et « option call » réalisées par une société active dans le domaine de la viande, car la société ne pouvait établir que ces opérations étaient nécessitées par l’exercice de l’activité définie dans les statuts et ne répondaient pas à un intérêt fiscal. À la suite d’un pourvoi dirigé contre ce dernier arrêt, la Cour de cassation s’est également prononcée en ce sens et a considéré qu’«une société ne doit désormais plus seulement prouver que la dépense est nécessaire à l’exercice d’une activité, mais qu’elle est essentielle à l’exercice de l’activité sociale de la société, activité définie et donc limitée à l’objet social principal de la société »[38]. L’insertion dans les statuts d’une clause standard selon laquelle la société peut accomplir toute opération mobilière ou immobilière se rapportant directement ou indirectement à son objet et de nature à favoriser le développement de son entreprise est en outre jugée insuffisante par les cours et tribunaux. Ce qui importe, c’est le lien à l’objet social principal.

  27. Observations.
  28. S’inspirant allègrement d’une telle jurisprudence, certains inspecteurs motivent leur avis de rectification en considérant que la plupart des charges grevant l’immeuble qui sont comptabilisées par la société usufruitière dépassent l’objet social principal de celle-ci. Or, une telle position jurisprudentielle nous semble précisément contestable en ce qu’elle ne trouve aucune assise dans le texte de l’article 49 du C.I.R., article qui se limite à exiger que les frais soient supportés en vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables. Par ailleurs, une telle position devrait entraîner, en toute logique, l’exonération des bénéfices sortant de l’objet social, puisque les charges corrélatives sont rejetées.

    Mais il n’en est rien. Dès lors, on arrive à cette situation paradoxale où tous les revenus d’une société sont professionnels, même lorsqu’ils sortent de l’objet social, alors que les dépenses ne sont admises que lorsqu’elles sont nécessaires à la réalisation de son objet social. Dans une situation assez similaire, cette incohérence fiscale fut pourtant condamnée par la Cour d’arbitrage dans un arrêt du 21 juin 2000[39] concernant la déductibilité de frais professionnels supportés après cessation : selonla Cour, si l’on prend en considération les revenus obtenus après cessation, il convient d’admettre la déduction des frais y afférents. Une telle cohérence fiscale justifierait donc soit la déduction des charges immobilières, soit l’exonération des revenus y afférents.

    S’agissant plus spécifiquement de la question de savoir si la mise à disposition d’un immeuble entre bien dans l’objet social ou statutaire de la société usufruitière de l’immeuble, la réponse nous semble évidente. Il nous parait intéressant de rapporter un jugement du Tribunal de Première Instance de Liège du 20 septembre 2004[40] qui épouse notre cause. Le litige concernait précisément le problème d’un rejet par l’administration des amortissements relatifs à la partie (estimée à 60%) d’un bâtiment érigé par une société et réservée à l’usage d’habitation de ses dirigeants et associés principaux. La taxation est motivée par l’administration en raison des conditions privilégiées établies en faveur des époux et dirigeants de la société et par le fait que la valeur d’investissement et des frais d’entretien de cette villa de standing est sans commune mesure par rapport au loyer dérisoire (correspondant à l’avantage en nature).

    Le juge, reconnaît tout d’abord qu’il s’agit bien d’un « montage »  ou d’une construction juridique permettant aux associés de devenir par le jeu de l’accession et sans indemnité propriétaires d’un bâtiment dont l’acquisition a été financée et prise en charge par la société en tant que titulaire du droit réel démembré. Le Tribunal de Première Instance de Liège ne suit toutefois pas l’administration et admet la déduction intégrale des amortissements. Les considérants  particulièrement pertinents du juge, valent d’être cités :

    • «il n’appartient pas à l’administration de juger de l’opportunité ou de l’utilité d’une dépense ; […]  il ne peut lui [la société] être reproché de mettre à la disposition de celui-ci [le gérant], pour ses besoins privés et pour un prix relativement modique, une partie d’immeuble qu’elle possède, cet immeuble (ou cette partie d’immeuble) fût-il (ou fût-elle) même de standing ;
    • la mise à disposition (à titre gratuit ou pour un prix avantageux) d’un immeuble par un employeur ou une société à un des ses travailleurs ou à un de ses dirigeants n’a rien d’exceptionnel ; […] cette situation a en effet été envisagée expressément par le législateur fiscal, qui a indiqué les règles à suivre pour déterminer la valeur de l’avantage en nature que constitue une telle mise à disposition […] ;
    • une telle mise à disposition peut résulter du souci ou de l’idée de placer son bénéficiaire dans un  environnement  favorable, de lui réserver des conditions et une situation de nature à le rendre plus disponible et mieux disposé  à l’égard de son entreprise, bref plus performant, avec la conséquence que celle-ci en retirera en définitive un bénéfice ;
    • [une] pareille mise à disposition peut aussi s’analyser comme étant une autre manière de rémunérer les personnes travaillant pour une entreprise, avec le bénéfice (le moindre coût) que cette autre forme de rémunération peut engendrer »[41].

    On peut retenir de ce jugement que la mise à disposition d’un immeuble par une société permet l’économie d’une charge de rémunération pour la société et assure à terme une plus grande performance de son gérant. Cette argumentation est de nature à légitimer la déduction des charges immobilières dans le chef d’une société qui met son immeuble à disposition de son dirigeant.

    Un autre argument en faveur de la déductibilité des charges immobilières peut aussi être tiré de l’article 195 du C.I.R. Selon cet article, « les dirigeants sont assimilées à des travailleurs pour l’application des dispositions en matière de frais professionnels  et leurs rémunérations ainsi que les charges professionnelles sociales connexes sont considérées comme des frais professionnels ». Tant le commentaire administratif [42] que l’article 32 du C.I.R. précisent que les rémunérations des dirigeants d’entreprise comprennent les avantages de toute nature. Dès lors, les avantages en nature sont toujours à considérer comme des frais professionnels.

    Ils sont taxables dans le chef du dirigeant et déductibles dans le chef de la société. Il peut donc être avancé que l’article 195 du C.I.R. est une disposition dérogatoire à l’article 49 du C.I.R. (en ce compris la condition complémentaire du rattachement à l’objet social) ; l’avantage en nature trouve son origine dans la dépense assumée par la société à concurrence de la partie de l’immeuble mise à disposition au profit de son dirigeant.

    Section 2 : La durée d’amortissement de l’usufruit.

  29. Position de l’administration.
  30. L’article 61 du C.I.R. dispose que : « Les amortissements sont considérés comme des frais professionnels dans la mesure où ils sont basés sur la valeur d’investissement ou de revient, où ils sont nécessaires et où ils correspondent à une dépréciation réellement survenue pendant la période imposable ». L’administration défend régulièrement l’idée que les investissements immobiliers réalisés par la société usufruitière (ou la société superficaire)  doivent être amortis sur la durée d’amortissement qui s’applique généralement aux immeubles (33 ans) et qu’il  ne faut pas tenir compte de la durée du droit réel d’usufruit (ou d’ailleurs de superficie), et ce au motif, généralement avancé, qu’à l’expiration du droit réel, ces investissements ne disparaissent pas[43].

    Cette position se heurte à une jurisprudence majoritaire ainsi qu’à deux avis de la Commissiondes Normes comptables[44].

  31. Etat de la jurisprudence récente.
  32. Dans l’affaire soumise au Tribunal de Première Instance d’Anvers[45], une société avait acquis l’usufruit sur un building avec un terrain. Elle effectua de grosses réparations assimilables à des investissements. L’administration considéra que les amortissements de ces travaux devaient être liés à la durée d’utilité normale à laquelle on peut s’attendre de ces investissements, alors que la demanderesse considère qu’il faut les répartir sur la durée de son droit réel d’usufruit. Le Tribunal constate que l’article 61 du C.I.R. en tant que disposition fiscale ne donne pas de définition de la base sur laquelle porte l’expression « diminution de valeur » y mentionnée. Et donc, il faut se rapporter à la loi comptable comme droit commun. L’article 12 de l’arrêté royal du 8 octobre 1976 (remplacé depuis lors par l’arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du Code des sociétés) définit l’amortissement des immobilisations dont l’utilisation est limitée dans le temps comme une répartition de leur montant sur leur durée d’utilité ou d’utilisation probable.

    Il est donc fait état de « leur » durée d’utilité ou d’utilisation probables et non d’une limitation subjective dans le temps causée par un droit réel que l’usufruitier (en l’espèce) peut faire valoir sur les actifs et donc de ce fait peut exercer. Ce même tribunal jugea cependant  dans une autre affaire que, dans le cadre du contrat de superficie conclu pour une durée inférieure à la durée normale d’amortissement de bâtiments similaires, le superficiaire doit utiliser le même pourcentage d’amortissement que celui qui est appliqué lors de la durée normale d’amortissements de bâtiments similaires[46]. Ce jugement fut toutefois cassé par la Cour d’appel d’Anvers[47] qui a jugé que l’amortissement annuel sur un immeuble doit être déterminé sur la seule base de la durée d’utilisation normale. Pour le juge, il faut entendre par ces termes, non une durée d’utilisation in abstracto valant pour tout immeuble, mais la durée restante du droit de superficie, puisque le superficiaire ne peut utiliser l’immeuble après l’extinction de son droit.

    Le Tribunal de Première Instance de Namur, dans son jugement du 28 juin 2006[48], à propos d’un usufruit d’un immeuble amorti à concurrence de 5 %, estime également que « le bien à amortir est un droit réel lié à la durée de vie de la personne physique qui en a fait l’apport à la société demanderesse et il était donc logique que la demanderesse évalue la durée pendant laquelle elle pourra bénéficier de ce droit par référence à l’âge de la personne qui conditionne son existence ». Le Tribunal considère donc que « la demanderesse a fait preuve de prudence, de sincérité et de bonne foi en étalant l’amortissement de l’usufruit litigieux sur une durée de 20 ans et qu’il n’y a aucune raison de le ré-étaler sur 30 ans ».

  33. La Commission des Normes Comptables s’est penchée sur la question.
  34. Ce point de vue de la jurisprudence est conforme à la position de la Commission des Normes comptables. Dans son avis n° 150/3[49], la CNC considère que la valeur d’acquisition des bâtiments doit être prise en charge par des amortissements étalés sur la période pendant laquelle ils sont la propriété du superficiaire. Il faut toutefois que le contrat de superficie prévoit que la construction reste la propriété de l’entreprise qui fait ériger la construction sur le terrain d’autrui durant une période qui lui permet d’amortir les frais qu’elle a engagés ou correspondant à la période d’utilisation économique normale du bien.  Dans un autre avis qui traite plus spécifiquement du droit d’usufruit[50], la CNC dit que le droit d’usufruit doit être amorti sur la durée de l’usufruit ou sur la durée d’utilisation économique du bien immobilier si l’on suppose que cette durée est inférieure à celle de l’usufruit, et ce même si l’usufruit a trait à un bien dont l’usage n’est pas limité dans le temps (tel un terrain). Ces deux avis partent de l’idée que la durée d’utilisation économique des bâtiments érigés est en règle générale plus longue que le droit réel. Dès lors, les amortissements doivent être pratiqués en fonction de la durée de ce droit[51].

    On ajoutera que le commentaire administratif du C.I.R., s’il n’envisage pas expressément le cas d’un amortissement sur un droit réel démembré, traite cependant de cas qui lui sont comparables parce qu’ils présentent la même caractéristique de la précarité du droit que détient le redevable sur le fonds auquel est lié un bien à amortir. Le commentaire traite ainsi de la concession précaire, dans le cadre de laquelle l’avoir du redevable « qui doit généralement faire retour gratuit aux pouvoirs concédant, subit chaque année une dépréciation » : le texte mentionne simplement qu’ « il est permis de reconstituer cet avoir en exemption d’impôt », mais qu’il s’en déduit implicitement que la reconstitution est liée la durée de la concession[52].

    Le commentaire administratif évoque également la question des « frais de construction, d’aménagement, de démolition ou de transformation d’immeubles, effectués par le locataire exploitant »[53]. Il y est notamment écrit qu’en ce qui concerne les constructions non susceptibles d’enlèvement qui demeurent acquises sans indemnité au propriétaire du sol à l’expiration du bail, « rien ne s’oppose à ce que le locataire déduise de ses bénéfices, l’amortissement du prix de revient desdites constructions, calculé soit sur la durée du premier bail (…) soit même sur une durée moindre si le locataire établit (…) que la dépréciation effective des constructions en cause justifie un amortissement plus rapide »[54].

    Ces principes suffisent à démontrer que l’amortissement de telles constructions est bien lié à la durée limitée du droit, que celui-ci soit qualifiée de concession, de bail, d’usufruit ou de  superficie.

    Section 2 : La requalification de l’usufruit sur base de l’article 344, §1er du C.I.R.  (disposition « anti-abus »)

  35. Conditions d’application de l’article 344, §1er du C.I.R.
  36. Depuis quelques années, l’administration a choisi de contrecarrer les « constructions usufruit » en se fondant sur l’article 344, §1er du C.I.R., dite disposition « anti-abus de droit ».

    Cette disposition, instaurée par la loi du 22 juillet 1993 portant des dispositions fiscales et financières[55], dispose que :

    « N’est pas opposable à l’administration des contributions directes, la qualification juridique donnée par les parties à un acte ainsi qu’à des actes distincts réalisant une même opération lorsque l’administration constate, par présomptions ou par d’autres moyens de preuve visés à l’article 340, que cette qualification a pour but d’éviter l’impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique ».

    Cet article se veut être une réaction au principe du libre choix de la voie la moins imposée, qu’il ne remet toutefois pas en cause. Pour rappel, ce principe a été consacré par la Courde cassation en 1961, dont l’attendu, bien connu, énonce qu’« il n’y a ni simulation prohibée à l’égard du fisc, ni partant fraude fiscale, lorsque en vue de bénéficier d’un régime fiscal plus favorable, les parties usant de la liberté des conventions, sans toutefois violer aucune disposition légale, établissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, même si la forme qu’elles leur donnent n’est pas la plus normale »[56].  Le Ministre de Finances dans une note adressée à la commission des Finances précise très clairement la portée de ce qui allait devenir l’article 344, §1er du C.I.R. : « Dans la détermination de leur but économique, les contribuables agissent évidemment librement ; le projet ne vise pas à porter atteinte à cette liberté ni d’ailleurs à celles qui permettent de réaliser l’objectif économique poursuivi. Dans ce contexte le principe du libre choix de la voie la moins imposée subsistera, puisque le texte ne rend pas les actes eux-mêmes inopposables à l’administration des contributions directes. En revanche, le choix abusif de la qualification juridique à donner à des actes tombera sous le coup de la nouvelle disposition »[57].

    Le choix abusif de la qualification doit être dicté par le dessein d’éviter  l’impôt. La doctrine considère que s’il existe un autre but que l’évitement de l’impôt, que cet autre but soit principal ou accessoire, cette mesure « anti-abus de droit» ne peut dès lors trouver à s’appliquer[58]. Les travaux préparatoires de la loi ont bien précisé à cet égard que pour qu’il n’y ait pas application de la disposition, « il faut que l’opération soit justifiée autrement que par des motifs fiscaux »[59].

    Ce qui signifie  qu’une requalification ne peut en principe être envisagée dès lors qu’un objectif économique coexiste à côté d’un objectif fiscal. Pour l’administration, la simple recherche d’un évitement de l’impôt, parmi d’autres objectifs liés à l’opération, suffit bien souvent à rendre applicable l’article 344, §1er du C.I.R. Il apparait cependant que la disposition est, à notre sens, susceptible d’être appliquée si la recherche de l’évitement fiscal est réellement prépondérante. Comme le soulignent J. Kirpatrick et D. Garabedian, « l’objectif non fiscal ne doit pas nécessairement être principal mais il ne peut être tellement ténu qu’une personne raisonnable n’aurait pas réalisé l’opération en l’absence de l’avantage fiscal escompté »[60].

    On peut synthétiser les conditions d’application de cette disposition de la manière suivante. Pour qu’une requalification soit possible, il faut :

    1. un acte juridique ou des actes juridiques distincts, successifs, réalisant une même opération ;
    2. que cet acte ou ces actes juridique(s) soi(en)t susceptible(s) de faire l’objet d’une requalification (ce qui constitue souvent l’enjeu des litiges fiscaux) ;
    3. que l’administration fiscale prouve que la qualification, pour laquelle les parties ont opté, sert à éviter      l’impôt ;
    4. que les parties ne puissent apporter de preuve contraire, à savoir les besoins légitimes de caractère financier      ou économique[61].

    C’est dire si d’emblée une lecture un peu attentive de l’article rend l’application de cette disposition bien difficile. Le Ministre des Finances lui-même a reconnu que lorsqu’il s’agit d’un acte unique, dans la pratique, il sera plutôt exceptionnel qu’il puisse faire l’objet d’une modification de qualification.

  37. L’article 344, §1 du C.I.R. et le Service des décisions anticipées.
  38. L’administration a toujours considéré que l’article 344, §1er du C.I.R. était parfaitement applicable aux « constructions usufruit ». La requalification que l’administration entend généralement donner aux « constructions usufruit » est celle de la vente de la pleine propriété au dirigeant suivie du versement d’un loyer payé d’avance par la société (correspondant à un loyer estimé sur une durée égale à la durée de l’usufruit). Cette requalification est opérée régulièrement dans de nombreux avis de rectification adressés aux contribuables et est envisagée de manière explicite par le Service des décisions anticipées[62]. Diverses décisions anticipées qui considèrent qu’une requalification est possible ont été rendues depuis plusieurs années[63] . Notre examen portera sur les décisions du 13 septembre 2004 et du 2 mars 2006, particulièrement significatives.

    C’est ainsi que le Service Public Fédéral Finances[64] a rendu une décision anticipée en septembre 2004[65] sur une structure d’usufruit portant sur des biens immeubles à propos de laquelle il lui était demandé de se prononcer sur les incidences fiscales et en particulier sur la possible application de l’article 344, §1er du C.I.R. Les faits peuvent être résumés comme suit. Un couple achète un appartement dans un immeuble à construire. Ils acquièrent tous les deux la nue-propriété en indivision et parallèlement, la société anonyme achète l’usufruit. Les nu-propriétaires sont actionnaires et administrateurs de cette société anonyme. L’usufruit a une durée de 20 ans. Le prix de l’usufruit est déterminé sur base de la valeur estimée de location annuelle calculée à l’aide des informations d’une agence immobilière, et capitalisé à 4%. Le but social de la société anonyme consiste, entre autres, en la gestion du patrimoine immobilier et mobilier.

    Tant les nu-propriétaires que l’usufruitier ont financé l’achat avec leurs propres moyens. Après avoir réalisé divers travaux de finition, la société donne en location l’appartement à un prix normal à l’administrateur délégué et actionnaire de la société anonyme. Il est prévu que les frais d’achat seront répartis entre l’usufruitier et les nu-propriétaires en fonction de la répartition du prix d’achat, à l’exception des frais qui sont propres à l’usufruitier ou au nu-propriétaire.

    Dans le cadre de l’audition, les parties invoquent notamment les arguments suivants :

    • l’achat de l’usufruit fait partie de l’obligation de réinvestissement dans le cadre d’une taxation étalée des plus values dans le sens de l’article 47 du C.I.R. ;
    • l’accent est mis sur la nature de l’investissement (un nouvel appartement de luxe), sur le fait que le locataire est fiable et stable (l’administrateur délégué) et sur le fait que le risque d’investissement est minimal ;
    • la société ne disposait pas des moyens financiers nécessaires pour acheter l’appartement en pleine propriété ;
    • d’après les estimations réalisées par un conseil du contribuable, l’achat de l’usufruit apporte à la société un rendement plus élevé que si elle obtenait la pleine propriété ;
    • en plus, il n’existe aucun autre projet d’investissement avec un rendement pareil et une location garantie ;
    • les nu-propriétaires ont également déclaré qu’ils attribuaient une valeur de convenance à l’appartement, mais qu’ils n’avaient pas les moyens financiers nécessaires pour l’acheter en pleine propriété. Le locataire voulait disposer d’un tel appartement pour bénéficier d’une pension sans assumer de lourds investissements ;
    • en conséquence, la construction usufruit constituait une situation idéale, tant pour les nu-propriétaires que pour le locataire.
    • Pour la Commissiondu ruling, les besoins évoqués par les nu-propriétaires ne constituent que des besoins purement personnels. Quant aux besoins censés profiter à la société, ils sont tout simplement inhérents à l’activité précitée de la société, à savoir la recherche de l’investissement le plus rentable à long terme. L’obligation de remploi et la perte de liquidités pour les raisons fiscales sont également balayées au motif que pendant l’audition, il a été clairement indiqué que la société devait respecter l’obligation de remploi et éventuellement chercher d’autres moyens d’investissements appropriés. La perte de liquidités due à l’imposition des plus-values est dès lors sans pertinence. Le SPF Finances décide en conséquence qu’il n’est pas démontré que la qualification juridique réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique au sens de l’article 344, § 1er C.I.R.

      Cette décision n’est pas isolée. Une autre décision anticipée du 2 mars 2006[66] aboutit à la même conclusion[67]. Deux époux souhaitaient constituer pour, une durée de 8 ans, un usufruit de 18 % de leur habitation au bénéfice de leur société dont ils sont tous deux administrateurs. Après examen, le SPF Finances juge que l’on ne peut pas conclure que la seule qualification possible de l’opération soit la qualification d’usufruit. Les arguments économiques invoqués  à l’appui de la demande (l’usufruit doit faciliter le recours au crédit et les époux peuvent bénéficier des fonds nécessaires en toute sécurité) ne sont pas, selon l’administration, des besoins de caractère économique et légitimes. Cette décision est aussi intéressante carla Commission du ruling en profite également pour rappeler les principes directeurs de la disposition anti-abus de droit qui, bien sûr, selon elle, sont d’application dès lors qu’il s’agit d’examiner la situation des « constructions usufruit ».

    • L’impossible requalification.
    • Postuler que l’article 344, §1er du C.I.R. est applicable est une chose. Encore faut-il être à même de substituer une correcte qualification à celle choisie par les parties, comme l’exige le texte de loi. À ce niveau, l’administration opte, comme évoqué ci-avant, pour une requalification d’usufruit en vente de pleine propriété suivie d’une location à la société (pour une période égale à la durée de l’usufruit). Cette requalification lui offre de la sorte le moyen d’invoquer dans la foulée l’article 32, 3° du C.I.R. (disposition qui prévoit que les loyers qui dépassent 5/3 du revenu cadastral revalorisé doivent être considérés comme des revenus professionnels) et de rejeter l’amortissement pratiqué par la société, cette dernière n’étant plus titulaire d’un droit réel sur l’immeuble lui permettant d’amortir l’immeuble, mais se retrouve simple locataire.

      L’administration risque toutefois de se retrouver désormais dans la totale incapacité d’utiliser ce procédé de requalification, à la suite d’un arrêt rendu par la Courd’appel de Gand le 13 septembre 2005[68] qui considère qu’une requalification d’un usufruit sur base de l’article 344, §1er du C.I.R. ne peut être établie qu’à la seule condition de ne pas toucher aux conséquences juridiques des actes posés. La Cour d’appel réforme entièrement le jugement du Tribunal de Première Instance de Bruges du 22 juin 2004[69]. Les faits (classiques)  dont eut à connaître la juridiction de Bruges sont les suivants : un couple acquiert la nue-propriété d’un appartement, estimée à 20% de sa valeur vénale, tandis que la société, dont les époux sont les seuls actionnaires et administrateurs, acquiert, pour une période de 10 ans, l’usufruit dudit bien pour une valeur estimée à 80% de la valeur vénale de l’appartement.

      Il est spécifiquement prévu, dans la convention, que l’usufruitier est en droit de procéder à des améliorations, lesquelles resteront acquises, à l’issue de l’usufruit, aux nu-propriétaires sans qu’ils ne doivent s’acquitter de la moindre indemnité. Excédée par les motifs qu’elle juge strictement fiscaux des contribuables et refusant d’admettre l’existence de besoins légitimes de caractère économique et financier, l’administration fiscale requalifie l’opération en une acquisition de la pleine propriété de l’immeuble par les époux, suivie d’une location pour 10 ans à la société. Le Tribunal de Première Instance de Bruges fait droit à l’argumentation soutenue par l’administration. Le tribunal considère que l’article 344, §1er du C.I.R. est applicable à l’espèce, sans qu’il soit en outre nécessaire de faire droit à la demande des requérants de poser une question préjudicielle à la Cour d’arbitrage pour savoir si l’article 344 §1er du C.I.R. n’était pas contraire aux principes constitutionnels d’égalité et de légalité[70].

      Les besoins légitimes de nature économique avancés, à savoir la possibilité pour les dirigeants de minimiser leur risque économique personnel et de devenir pleins propriétaires, tout en limitant le montant investi, ne sont guère jugés convaincants.  Le juge considère que, vu la courte durée de l’usufruit et « l’élasticité » du droit de propriété, les différences entre les formes juridiques de l’usufruit et du bail peuvent être négligées. Comme on pouvait s’y attendre, ce jugement ne manqua pas de soulever de nombreuses critiques[71]. La cour d’appel de Gand réforme cette décision, dans un arrêt fouillé et dont la portée nous semble importante. La cour examine d’abord si l’article 344, §1er du C.I.R. est susceptible de s’appliquer dans le cadre de constructions usufruit. Selon la cour, le dessein d’éviter l’impôt par la division de l’achat, ainsi que le fait que cette opération s’inscrive clairement dans un contexte économique qui excède  toute forme de gestion de patrimoine privé, rendent l’article 344, §1er du C.I.R. applicables en principe.

      Par ailleurs, la cour ne voit pas en l’espèce  de besoins légitimes de caractère économique ou financier qui puissent en principe échapper à la qualification juridique. Toutefois, la cour estime qu’une condition de base manque clairement pour appliquer l’article 344, §1er du C.I.R. : pour que l’acte puisse faire l’objet d’une requalification, il faut que l’acte accompli puisse avoir plusieurs qualifications possibles[72]. Et cette requalification requiert que les conséquences de fait et de droit de l’opération réalisé soient respectées. Or, il n’est pas possible de requalifier l’acquisition d’un usufruit en une acquisition de la pleine propriété suivie d’une location, sans modifier les conséquences juridiques, en d’autres termes, sans toucher au contenu de l’opération. La cour énonce que le la location et l’usufruit sont des figures juridiques avec des droits et obligations différents. La Cour d’appel de Gand conclut donc que le Tribunal de Première Instance de Bruges a fait une application erronée de l’article 344, §1er du C.I.R. et qu’il convient de réformer totalement le jugement.

    • Observations.
    • Ce remarquable arrêt nous semble marqué du parfait bon sens. Faut-il rappeler les différences notables qui permettent de distinguer  la situation de l’usufruitier de celle du locataire ? Le droit de l’usufruitier est un droit réel, alors que celui du locataire est un simple droit personnel. En contrepartie, l’obligation du locataire est personnelle alors que l’obligation de l’usufruitier est réelle et s’impose au nu-propriétaire et à tout possesseur ultérieur de la nue-propriété, conformément aux règles relatives à l’opposabilité aux tiers de droits réels. L’aliénation d’une chose louée n’oblige pas nécessairement l’acquéreur à respecter le bail conclu antérieurement par le vendeur de la chose louée. Le droit du locataire est toujours mobilier, qu’il porte sur un bien mobilier ou immobilier, alors que le droit réel de l’usufruitier sera mobilier ou immobilier selon la nature du bien qui est l’objet de l’usufruit (article 526 du Code civil).

      Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état et doit permettre, jour après jour, l’usage et la jouissance du bien loué. Le nu-propriétaire n’a pas cette obligation puisque l’article 600 du Code civil précise que l’usufruitier prend les choses soumises à l’usufruit dans l’état où elles se trouvent. Le nu-propriétaire n’a donc qu’une obligation passive contrairement au bailleur. L’usufruitier est redevable du précompte immobilier, ce qui n’est pas le cas du locataire. Enfin, l’usufruit peut être donné en hypothèque, contrairement au bail. Ces différences essentielles font que toute tentative de requalification de l’usufruit en loyer par l’administration était clairement vouée à l’échec, pour la simple raison qu’il ne peut être fait abstraction des relations juridiques qui se sont nouées entre la société titulaire de l’usufruit et le dirigeant nu-propriétaire. On ne peut donc que se réjouir de cette jurisprudence qui clôt ainsi une période au cours de laquelle certains tribunaux avaient accepté, sans trop sourciller, de telles requalifications juridiques[73].

    • Le contexte de l’arrêt de la Cour d’appel de Gand : l’arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2005.
    • En réalité la position de la Cour d’appel de Gand doit s’analyser dans le contexte plus général du champ d’application de l’article 344, §1er du C.I.R. tel que rappelé par la Cour de cassation dans son arrêt de principe du 4 novembre 2005[74]. Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, le débat portait sur la question de la possible requalification d’un rachat d’actions propres en une distribution de dividendes. Suite à la décision d’une assemblée générale extraordinaire, une société anonyme au capital de 1.500.000 BEF représenté par 150 actions entièrement libérées, avait procédé au rachat de 10% de ses actions (soit 15 actions, pour un prix unitaire de 371.000 BEF, soit au total 5.565.000 BEF) au moyen de réserves disponibles, puis avait annulé lesdites actions, de sorte que son capital, dont le montant était resté inchangé, n’était plus représenté que par 135 actions.

      Ainsi, 7 actions avaient été rachetées à chacun des deux premiers actionnaires qui en détenaient auparavant chacun 67, alors qu’une action fut rachetée au troisième et dernier actionnaire qui en détenait 16. Pour l’administration fiscale, le prix du rachat des actions propres qui excède la partie du capital représenté par les actions rachetées (soit 5.565.000 BEF – 55.600 BEF = 5.509.400 BEF), consistait en une distribution ordinaire de dividendes. Dès lors, elle « requalifia» l’opération, considérant que la décision de procéder par rachat d’actions plutôt que par distribution ordinaire de dividendes ne répondait pas à des besoins légitimes de caractère financier ou économique de la société, mais seulement à un « intérêt financier personnel » de ses actionnaires. Elle enrôla en conséquence un précompte mobilier de 25,75 % calculé sur les 100/74,25èmes du montant payé par la société anonyme.

      Par jugement du 7 mai 2003, le Tribunal de Première Instance d’Arlon a annulé cette cotisation. Sur appel de l’administration, l’affaire est alors  déférée à la Cour d’appel de Liège. Celle-ci, par arrêt du 10 septembre 2004, réforme la décision d’Arlon et donne gain de cause à l’administration, estimant essentiellement que « le texte de l’article 344, §1 C.I.R. ne prévoit pas l’identité des effets juridiques entre l’opération requalifiée et l’opération présentée au fisc » [75], de sorte qu’il était loisible à ce dernier de « débaptiser »[76] le rachat d’actions pour en faire un paiement de dividendes, ce qui permet par là même la perception d’un impôt.

      La Courde cassation, saisie du pourvoi, entend rappeler sans ambiguïté les fondements de sa jurisprudence en matière de requalification. S’agissant de l’article 344, §1er du C.I.R., elle précise que « il découle de ce texte, comme des travaux préparatoires de la loi du 22 juillet 1993 qui introduit cette disposition dons le Code des impôts sur les revenus, que seule la qualification d’un acte peut être rendue inopposable à l’administration fiscale et que celle-ci ne peut, partant, lui donner une autre qualification qu’en respectant les effets juridiques de cet acte »[77].

      La Courrelève ensuite que l’arrêt attaqué de la Courd’appel de Liège mentionne erronément que « l’article 344,§1er ne prévoit pas l’identité des effets juridiques entre l’opération requalifiée et l’opération présentée ou fisc », et en conclut « qu’en s’abstenant de vérifier si les effets juridiques de l’opération nouvellement qualifiée et ceux de l’opération initialement qualifiée étaient similaires, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision de faire application de l’article 344, § 1er du C.I.R. »[78]. On oserait même poursuivre le raisonnement dela Cour suprême en appliquant ces principes au rachat proportionnel où deux actionnaires détiennent chacun, par hypothèse, la moitié des actions, tant avant qu’après l’opération de rachat.

      Suite à ce rachat, les réserves ont quitté la société et se trouvent sur le compte des actionnaires. Les conséquences financières sont identiques, qu’il y ait distribution de dividendes ou rachat d’actions. Si l’on s’en tenait là, on pourrait effectivement requalifier un rachat proportionnel en une distribution de dividendes, ce qui serait impossible si, après le rachat, un actionnaire possédait brusquement plus d’actions que l’autre (rachat « non proportionnel »). Une distribution de dividendes ne peut, en effet, jamais avoir cette conséquence.La Cour de cassation rappelle donc clairement qu’on ne peut pas s’intéresser à ces seules conséquences financières. Toute requalification doit également pouvoir expliquer les conséquences juridiques des opérations effectuées. En d’autres termes, les conséquences juridiques d’une opération sont tout aussi pertinentes, et tout aussi respectables que les conséquences financières ou économiques. Ou encore, en d’autres termes que la réalité juridique (les conséquences juridiques) vaut la réalité économique (les « conséquences de fait »).

      Si l’on applique ces considérations à un rachat (la Courde cassation elle-même ne le fait pas), il faudrait, par exemple, tenir compte du fait qu’après un rachat, le capital fiscalement libéré diminue, ce qui n’est pas le cas après une distribution de dividendes. Cet arrêt permet donc d’opposer des arguments à toute requalification d’un rachat d’actions, même proportionnel.

      Un tel arrêt a pour conséquence que les cas d’application de l’article 344, §1er du C.I.R. en cas d’opération unique deviennent extrêmement rares. C’est ce qui a fait dire à J.-P. Bours que, « L’article 344 §1C.I.R. fait, depuis l’arrêt de la Haute Cour du 4 novembre, son entrée dans le cimetière des textes « morts quoique subsistant encore dans le corpus des dispositions en vigueur », ceci aux côtés des articles 90, 9° ou 364 bis C.I.R.) On peut le penser et on l’espère. Il est en effet bien difficile à l’avenir d’imaginer des hypothèses dans lesquelles l’administration pourrait requalifier un acte pour mieux le taxer, tout en respectant ses conséquences juridiques, ceci sans faire le détour par l’action en déclaration de simulation »[79].

      Cet arrêt de la Courde cassation ne donne en tous les cas que plus de poids à l’arrêt de la Courd’appel de Gand précité et ne peut sans doute qu’invalider toute nouvelle tentative de l’administration de remettre en cause les « constructions usufruit » en s’appuyant sur l’article 344, §1er du C.I.R.

      CHAPITRE III : L’EXTINCTION DE L’USUFRUIT

      A. Fin normale de l’usufruit

    • Position du problème.
    • Que se passe-t-il à la fin de l’usufruit ? Le nu-propriétaire recouvre-t-il l’entière propriété du bien immeuble sans la moindre taxation ou risque-t-il d’y avoir une imposition dans son chef ? La réponse à cette question est d’importance car l’éventuelle taxation en fin de parcours risque d’anéantir tous les avantages fiscaux escomptés.

      Il y a quelques années, la Commissiondu ruling de l’administration fiscale, saisie d’une demande d’un contribuable, s’exprimait en ces termes : « L’attention est attirée sur le fait que la présente décision ne porte pas préjudice à l’imposition éventuelle, dans le chef de M. X, d’un avantage de toute nature visé à l’article 32, alinéa 2, 2°, CIR 92, au moment où ce dernier acquerra, après 15 ans, 80 % de l’usufruit de l’appartement »[80]. Ce point de vue a également été exprimé par le Ministre des Finances à l’occasion d’une réponse à diverses questions parlementaires[81].  Bien que la réponse du Ministre reste très vague, elle semble aussi confirmer l’éventualité d’un avantage de toute nature taxable dans le chef du nu-propriétaire lors de l’extinction de l’usufruit au moment où il acquiert le bien en pleine propriété. Selon le ministre il y a lieu d’évaluer cette situation à partir des faits réels du dossier, et de considérer la nature, le but et l’ampleur des travaux d’amélioration comme un paramètre important. Il va de soi, poursuit le Ministre, que « les données factuelles, concernant également, le cas échéant, les travaux d’amélioration effectués, peuvent indiquer l’existence d’un avantage de toute nature dans le chef du gérant ». Une telle taxation d’un avantage de toute nature ne trouvera évidemment pas à s’appliquer si le nu-propriétaire n’exerce aucune fonction d’employé ou de gérant au sein de la société usufruitière. Le simple fait pour le nu-propriétaire de ne pas être gérant ne le met pas à l’abri des foudres de l’administration fiscale étant entendu que cette dernière pourra toujours invoquer un éventuel avantage anormal ou bénévole.

      21. – Avantage de toute nature. L’article 32, alinéa 2, 2° du C.I.R. prévoit que les rémunérations des dirigeants d’entreprises comprennent notamment « les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle ». Constituent notamment de tels avantages la mise à disposition gratuite d’un immeuble ou d’un véhicule par une société à son ou ses administrateurs ou encore le prêt sans intérêt de capitaux de la société à un administrateur[82]. L’évaluation des principaux avantages de toute nature est déterminée par l’article 18 de l’arrêté royal d’exécution du C.I.R. qui prévoit entre autres que l’avantage résultant de la mise à disposition gratuite d’un immeuble bâti non meublé s’obtient en multipliant le revenu cadastral indexé par 200/60[83].

      La reconstitution automatique[84] de la pleine propriété lors de l’extinction de l’usufruit au terme contractuellement fixé constitue-t-elle un avantage de toute nature imposable dans le chef du nu-propriétaire ? Cette question mérite une réponse en deux temps.

      D’une part, seules les personnes physiques qui exercent des fonctions de gérants, administrateurs ou liquidateurs de sociétés sont susceptibles d’être imposées sur base d’un avantage de toute nature en application de l’article 32, alinéa 2, 2° du C.I.R. Il est par conséquent exclu qu’un nu-propriétaire n’exerçant aucune de ces fonctions soit imposé sur un éventuel avantage de toute nature lors de l’extinction de l’usufruit.

      D’autre part, nous sommes d’avis que l’extinction de l’usufruit ne correspond en rien à la définition traditionnelle de l’avantage de toute nature. Pour rappel, l’usufruit « est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance »[85]. S’agissant d’un droit réel temporaire[86], il est de l’essence même de l’usufruit de s’éteindre au terme de la durée fixée dans la convention originelle. Pendant toute la durée de l’usufruit, l’usufruitier pourra user du bien immobilier en bon père de famille et il aura également droit à l’ensemble des fruits naturels, industriels ou civils produits par le bien. C’est ainsi que les éventuels loyers reviendront à l’usufruitier qui pourra en disposer comme bon lui semble. Le nu-propriétaire se retrouve donc avec une « propriété stérile »[87] qui ne lui procure aucun avantage économique réel étant donné que l’usage et tous les revenus du bien immobilier reviennent en principe directement et exclusivement à l’usufruitier[88]. En cas d’acquisition scindée de l’usufruit par la société et de la nue-propriété par l’actionnaire personne physique, ce dernier paye donc pour un droit réel qui ne lui procurera aucun revenu avant l’extinction de l’usufruit au terme convenu. Cette situation correspond au principe même de l’usufruit tout comme le caractère temporaire de ce droit réel. En devenant plein propriétaire, le nu-propriétaire n’obtient aucun avantage. Il s’agit simplement de l’exécution normale de la convention[89]. Il n’y a dès lors pas lieu à imposition d’un quelconque avantage de toute nature dans le chef du nu-propriétaire lors du moment tant attendu de la reconstitution automatique de la pleine propriété.

      D’un point de vue civil, l’extinction de l’usufruit entraîne en principe dans le chef du nu-propriétaire l’obligation d’indemniser l’usufruitier notamment pour les « constructions et ouvrages régulièrement réalisés »[90] par ce dernier ou encore pour les grosses réparations. Il n’existe dès lors pas, civilement parlant, d’indemnisation due par le nu-propriétaire pour l’extinction de l’usufruit. Cela va sans dire mais mieux vaut le dire et l’écrire pour éviter toute incompréhension de la part de l’administration fiscale.

      Cette absence de taxation pourra être battue en brèche par l’administration fiscale si l’usufruitier a par exemple réalisé des travaux coûteux qui ne lui incombaient pas, procurant ainsi un réel avantage au nu-propriétaire lors de l’extinction de l’usufruit[91].

      Il faut observer par ailleurs que le simple fait pour le nu-propriétaire de ne pas être gérant ne le met pas à l’abri des foudres de l’administration fiscale étant entendu que cette dernière pourra toujours invoquer un éventuel avantage anormal ou bénévole.

      22. – Avantage anormal ou bénévole. Le Code des impôts sur les revenus prévoit en son article 26, alinéa 1er que « lorsqu’une entreprise établie en Belgique accorde des avantages anormaux ou bénévoles, ceux-ci sont ajoutés à ses bénéfices propres, sauf si les avantages interviennent pour déterminer les revenus imposables des bénéficiaires ».

      Dans le commentaire du C.I.R., l’administration fiscale définit très précisément la notion d’avantage anormal ou bénévole :

      « – avantage : enrichissement du bénéficiaire et, en ce qui concerne la personne qui octroie l’avantage, absence de contrepartie effective équivalente à l’avantage octroyé […] ;

      – anormal : qui est en opposition avec le cours normal des choses, des règles et des usages établis ou encore, qui est en opposition avec ce qui, dans des cas semblables, est d’usage […] ;

      – avantages bénévoles : avantages qui sont accordés sans qu’ils constituent l’exécution d’une obligation ou ceux qui sont accordés sans aucune contrepartie […].

      D’une manière générale, on peut considérer que le bénéficiaire de l’avantage s’enrichit sans qu’il y ait en retour de sa part une prestation correspondante effective »[92]. Constituent notamment de tels avantages la mise à disposition gratuite d’un immeuble par une société à des tiers ou encore le prêt sans intérêt de capitaux de la société à un tiers[93].

      Comme nous l’avons déjà expliqué ci-dessus, la reconstitution automatique de la pleine propriété lors de l’extinction de l’usufruit au terme contractuellement fixé ne confère aucun avantage particulier dans le chef du nu-propriétaire. En effet, l’usufruit étant un droit réel temporaire, il est de son essence de s’éteindre à l’expiration du terme convenu lorsqu’il a été institué par contrat. Lors de l’extinction, aucune indemnisation ne sera due par le nu-propriétaire pour le recouvrement de la pleine propriété sauf si l’usufruitier a réalisé des constructions ou des grosses réparations[94]. L’article 26 du C.I.R. ne trouvera donc en principe pas à s’appliquer étant entendu que la reconstitution automatique de la pleine propriété ne constitue en aucun cas un avantage tel que défini ci-dessus, et encore moins un avantage anormal ou bénévole.

      Par contre, si l’usufruitier a pris à sa charge les grosses réparations[95] visées à l’article 605 du Code civil ou a fait réaliser des constructions, le nu-propriétaire sera tenu à indemnisation lors de l’extinction de l’usufruit. A défaut, l’administration fiscale sera en droit d’imposer la société usufruitière sur base d’un avantage anormal ou bénévole tel que prévu à l’article 26 du C.I.R.

      B. Le sort des réparations et travaux

      23. – Les réparations. L’usufruitier est tenu des réparations d’entretien ainsi que des grosses réparations qui ont été nécessitées suite à son manquement de réaliser les réparations d’entretien. Quant aux grosses réparations, elles incombent en principe au nu-propriétaire[96]. Reste à savoir ce que recouvrent ces deux notions de réparations. L’article 606 du Code civil nous enseigne que les grosses réparations visent celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, des digues et des murs de soutènement et de clôture. Toutes les autres réparations sont qualifiées « d’entretien » et doivent dès lors être assumées par l’usufruitier. Il apparaît clairement que les obligations de l’usufruitier quant aux réparations sont donc beaucoup plus conséquentes que celles du nu-propriétaire.

      Notons toutefois que l’article 606 du Code civil a été rédigé à une époque tellement lointaine qu’il fait aujourd’hui l’objet de certaines interprétations doctrinales et jurisprudentielles[97]. Dans un arrêt de principe rendu le 22 janvier 1970, la Cour de cassation a défini les grosses réparations comme « les gros travaux de rétablissement et de reconstruction ayant pour objet la solidité générale et la conservation du bâtiment dans son ensemble, qui revêtent un caractère de réelle exception dans l’existence même de la propriété et dont les frais requièrent normalement un prélèvement sur le capital. […] Il appartiendra au juge de déterminer si les réparations revêtent, sinon la nature des réparations expressément visées par l’article 606, tout au moins un caractère comparable d’exception et d’importance, ou si, au contraire, ce caractère extraordinaire ne peut leur être reconnu »[98].

      La société usufruitière qui aura réalisé les réparations d’entretien dans le strict respect des articles 605 et 606 du Code civil ne pourra pas prétendre à une quelconque indemnisation lors de l’extinction de l’usufruit. Ne donnant donc pas lieu à un avantage dans le chef du nu-propriétaire, ces réparations d’entretien n’entraîneront en principe pas d’imposition au titre ni d’avantage de toute nature, ni d’avantage anormal ou bénévole. Par contre, si la société usufruitière a tenté de tirer sur la corde en prenant à sa charge des grosses réparations sans indemnisation de la part du nu-propriétaire, l’administration fiscale sera en droit de considérer qu’il y a lieu à imposition soit d’un avantage de toute nature, soit d’un avantage anormal ou bénévole.

      24. – Les travaux[99]. Ayant le droit d’user et de jouir de l’immeuble, l’usufruitier a le droit de réaliser des travaux dans le respect de la destination du bien[100]. C’est ainsi que la société usufruitière construira une piscine ou des améliorations à l’immeuble afin d’augmenter le confort de vie de l’occupant. L’avantage principal réside dans la déduction par la société des amortissements des travaux et améliorations apportés au bien.  Avant d’analyser la position de l’administration fiscale quant à l’éventuelle imposition de tels travaux dans le chef du nu-propriétaire lors de l’extinction de l’usufruit, analysons tout d’abord les enseignements du Code civil en cette matière que doivent bien entendu nous servir de fil conducteur.

      L’article 599, alinéa 2 du Code civil prévoit que « l’usufruitier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée ». Une distinction doit dès lors être faite entre les améliorations et les autres travaux :

              1. les améliorations visent les travaux      et aménagements réalisés par l’usufruitier afin d’améliorer le bien      immobilier et d’ainsi lui permettre d’accroître les avantages qu’il retire      de la jouissance de ce bien[101].      Les améliorations se caractérisent aussi par un investissement se limitant      au montant des revenus produits par l’usufruit[102].      Tombent notamment dans la catégorie des améliorations, « le déplacement      d’une cloison intérieure, la transformation d’un grenier en chambre, le      placement d’une lucarne dans un toit, le placement d’une cuisine équipée,      le remplacement des châssis de fenêtres en bois par des châssis en PVC, le      changement de revêtement des sols et des murs… »[103].      Lors de l’extinction de l’usufruit, le nu-propriétaire ne sera pas tenu à      une quelconque indemnisation quant à ces améliorations même si le bien a      subi une plus-value, et ce en application de l’article 599, alinéa 2 du      Code civil.

      Cette absence d’indemnisation de l’usufruitier pour les améliorations réalisées a été adoptée par le législateur de l’époque afin d’éviter de nombreuses et multiples contestations lors de l’extinction de l’usufruit alors même que l’usufruitier a bénéficié, tout au long de sa jouissance, desdites améliorations[104]. Il semble évident qu’en améliorant le bien immobilier dont il jouit, l’usufruitier entend avant tout agrémenter son propre confort, voire augmenter les revenus qu’il tire du bien. Dans un arrêt rendu le 27 janvier 1887 à propos des travaux effectués par un usufruitier pour transformer une maison en deux maisons, la Cour de cassation soulignait que l’article 599 du Code civil « est fondé sur ce que les avantages retirés par l’usufruitier des améliorations dont il parle sont censés compenser ce qu’elles lui ont coûté »[105].

      Etant donné que les améliorations ainsi définies ne donnent pas lieu à indemnisation sur base des règles de notre Code civil, il s’ensuit dès lors qu’au moment de l’extinction de l’usufruit au terme contractuellement fixé, l’administration fiscale ne pourra en principe pas imposer le nu-propriétaire que ce soit au titre d’avantage de toute nature ou d’avantage anormal ou bénévole. Dans le chef de la société usufruitière, ces améliorations constituent des travaux susceptibles d’être amortis sur la durée restante de l’usufruit.

              1. les travaux qui ne constituent pas      des améliorations telles que définies au point 1 ci-dessus ne sont donc      pas visés par l’article 599, alinéa 2 du Code civil. Tombent notamment      dans cette seconde catégorie, les travaux nécessitant un investissement      excédant le montant des revenus produits par l’usufruit[106].      Le régime juridique qui leur est applicable va varier selon que ces      travaux sont ou non susceptibles d’enlèvement. Peut être considérée comme      étant susceptible d’enlèvement « une      construction bien individualisée, un ouvrage d’art distinct »[107].      Par contre, ne sera pas susceptible d’enlèvement « une adjonction, une modification, une      réparation à un immeuble préexistant, sans qu’on puisse encore      individualiser après l’union, l’objet uni »[108].      Cette distinction est essentielle afin de déterminer le régime      applicable :

      –          les travaux susceptibles d’enlèvement se verront appliquer le régime de l’article 555 initio du Code civil qui prévoit que « Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec ses matériaux, le propriétaire du fonds a droit ou de les retenir, ou d’obliger ce tiers à les enlever.

      Si le propriétaire du fonds demande la suppression des plantations et constructions, elle est aux frais de celui qui les a faites, sans aucune indemnité pour lui ; il peut même être condamné à des dommages et intérêts, s’il y a lieu, pour le préjudice que peut avoir éprouvé le propriétaire du fonds.

      Si le propriétaire préfère conserver ces plantations et constructions, il doit le rembourser de la valeur des matériaux et du prix de la main d’œuvre, sans égard à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir ».

      Lors de l’extinction de l’usufruit, le nu-propriétaire a donc le choix entre d’une part conserver les travaux moyennant le paiement à l’usufruitier d’une indemnité équivalente à la valeur des matériaux et au prix de la main d’œuvre, et d’autre part contraindre l’usufruitier d’enlever, à ses propres frais, les constructions. Etant donné que le schéma envisagé dans la présente étude concerne le démembrement de la pleine propriété entre la société usufruitière et la personne physique nu-propriétaire sur base contractuelle, on part de l’hypothèse que le nu-propriétaire souhaitera bien entendu conserver les travaux réalisés. Il lui faudra donc, lors de l’extinction de l’usufruit, verser à la société usufruitière un montant égal à la valeur des matériaux et au prix de la main d’œuvre. A défaut, l’administration fiscale sera en droit d’imposer soit le nu-propriétaire  au titre d’avantage de toute nature, soit la société usufruitière au titre d’avantage anormal ou bénévole[109]. Dans le chef de la société usufruitière, cette indemnité constituera un élément de son bénéfice imposable. Il faudra donc vérifier, en fonction des éléments propres au cas d’espèce, s’il n’est pas plus intéressant de faire supporter les travaux directement par le nu-propriétaire. En effet, l’imposition dans le chef de la société usufruitière de l’indemnité versée par le nu-propriétaire pourra dans certains cas lui faire perdre le bénéfice du taux d’impôt des sociétés réduit prévu à l’article 215 du C.I.R. si la condition du montant maximum du revenu imposable n’est plus remplie suite au versement de ladite indemnité.

      –          les travaux non susceptibles d’enlèvement seront soumis au régime des « impenses ». Autrement dit, les travaux utiles ayant apporté une plus-value à l’immeuble constituent des impenses utiles entraînant l’obligation pour le nu-propriétaire de verser à l’usufruitier une indemnité égale à la valeur des matériaux et au prix de la main d’œuvre, ou si elle est de moindre importance, la valeur de la plus-value apportée au bien. Par contre, les travaux « de pur agrément qui ont accru le confort » de l’usufruitier « sans pour autant être objectivement utiles au bien lui-même » seront plutôt qualifiés d’impenses voluptuaires ne donnant pas droit à l’usufruitier d’être indemnisé[110].

      Le principal problème des travaux non susceptibles d’enlèvement réside dans la détermination du caractère utile ou non de tels ou tels ouvrages.

      Lors de l’extinction de l’usufruit, le nu-propriétaire sera tenu d’indemniser la société usufruitière pour les travaux non susceptibles d’enlèvement qualifiés d’impenses utiles. A défaut, l’administration fiscale sera en droit d’imposer le nu-propriétaire ou la société soit au titre d’avantage de toute nature soit au titre  d’avantage anormal ou bénévole[111]. Dans le chef de la société usufruitière, cette indemnité constituera un élément de son bénéfice imposable.

      Comme on peut le constater, la matière des travaux et constructions effectués par l’usufruitier est complexe. Cependant, il ne faut jamais perdre de vue que lorsqu’une société et une personne physique décident de démembrer la propriété d’un bien immeuble, il faudra toujours se référer en premier lieu aux règles de notre Code civil de cette institution que représente l’usufruit. Les aspects fiscaux seront donc des conséquences fiscales découlant de l’institution civile et des règles qui lui sont applicables. C’est notamment le cas pour les travaux réalisés par la société usufruitière qui devront, le cas échéant, faire l’objet d’une indemnisation par le nu-propriétaire lors de l’extinction de l’usufruit afin d’éviter que l’administration fiscale ne soit tentée d’imposer le nu-propriétaire sur l’avantage ainsi réalisé. Il sera d’ailleurs souvent plus intéressant pour le nu-propriétaire de verser une indemnité à la société qui sera imposée au taux fixe de 33,99% plutôt que d’être imposé en personne physique sur le même montant mais à un taux vraisemblablement plus élevé.

      Si en application des règles civiles, le nu-propriétaire est tenu d’indemniser la société usufruitière pour les travaux réalisés, l’indemnité versée s’apparentera pour la société à un bénéfice qui sera en principe imposé au taux de 33,99 %, voire au taux réduit visé à l’article 215 du C.I.R. Cette solution semble logique étant entendu que durant la période de l’usufruit, la société usufruitière aura pu amortir les travaux réalisés.

      CONCLUSION

      25. – Le succès des « constructions usufruit » réside principalement dans les avantages fiscaux retirés tant par la société usufruitière qui diminuera sa base imposable grâce aux amortissements que par la personne physique nu-propriétaire qui deviendra, lors de l’extinction de l’usufruit, pleine propriétaire sans imposition si un certain nombre de règles de base ont été respectées.

      Il ne faut jamais perdre de vue que l’usufruit est d’abord et avant tout une institution de droit civil qui est régie par des principes fondateurs. Ce retour aux sources civiles s’impose pour permettre à tout contribuable désireux de mettre en place une construction usufruit de ne pas s’égarer en dénaturant le concept pour accroître sans limite les avantages fiscaux. C’est ainsi qu’un certain nombre de principes doivent être suivis afin d’éviter les foudres de l’administration fiscale :

              1. évaluer l’usufruit en tenant compte      tant des méthodes juridiques de valorisation prévues par le Code des      droits d’enregistrement ou le Code des droits de succession, que des      méthodes économiques ;

       

              1. prévoir une durée raisonnable pour      l’usufruit ;

       

              1. la société usufruitière devra      poursuivre un but social lui permettant d’effectuer des opérations immobilières      à titre principal ;

       

              1. si le nu-propriétaire occupe      personnellement le bien immeuble, il lui faudra soit payer un loyer, soit      déclarer un avantage de toute nature ;

       

              1. respecter les principes du Code civil      quant aux indemnisations dues par le nu-propriétaire lors de l’extinction      de l’usufruit pour les grosses réparations, les améliorations ou les      travaux.

       

      Le respect de ces principes directeurs évitera en principe toute dénaturation de cette institution de droit civil qu’est l’usufruit, et par voie de conséquence les éventuelles tentatives de l’administration fiscale de mettre en cause les avantages fiscaux escomptés des « constructions usufruit ».

      24 janvier 2007

       


      [1] L’article 18, §3, 2 de l’arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus prévoit qu’un tel avantage s’obtient en multipliant le revenu cadastral indexé par 200/60 (si le revenu cadastral est supérieur à 745 €).

      [2] En vertu de l’article 215 du Code des impôts sur les revenus (ci-après « C.I.R. »), le taux de l’impôt des sociétés est fixé à 33 % à augmenter de 3% au titre de centimes additionnels, soit 33,99%. Toutefois, lorsque le revenu imposable n’excède pas 322.500 €, l’impôt est fixé comme suit : 24,25 % sur la tranche de 0 à 25.000 € ; 31% sur la tranche de 25.000 € à 90.000 € ; 34,5 % sur la tranche de 90.000 € à 322.500 €.

      [3] Un immeuble s’amortit en principe sur une durée de 33 ans.

      [4] Une proposition de loi du 29 juin 2006 réformant le traitement fiscal des constructions basées sur l’usufruit vise à rendre taxables les redevances dans le chef du cédant à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un droit réel d’usufruit (Proposition de loi du 29 juin 2006 réformant le traitement fiscal des constructions basées sur l’usufruit, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2005-2006, n° 2588/001, p.1 à 17), ce qui pourrait à terme rendre ce genre d’opérations moins attractives (sans compter l’inconvénient d’une double perception des droits d’enregistrement : lors de l’acquisition de la pleine-propriété de l’immeuble par la personne  physique, d’une part, et lors de la cession de l’usufruit à la société, d’autre part).

      [5] Pour une critique de cette définition légale, voyez E. Van Arenbergh, Traité de l’usufruit, Bruxelles, Larcier, 1936, p.53. L’auteur reproche en effet deux défauts à cette définition : elle omet de dire que la jouissance de l’usufruitier s’exerce à titre de droit réel et qu’elle est essentiellement viagère. Il s’agit là, pourtant, dit l’auteur, de deux caractéristiques spécifiques de l’usufruit qui le distinguent du droit de jouissance qui appartient au locataire ou à l’emphytéote.

      [6] En dépit des apparences, la situation diffère profondément de celle qui réalise l’indivision : il n’y a pas d’indivision entre le nu-propriétaire et l’usufruitier car celle-ci suppose la rencontre sur un bien de droits identiques, dès lors, il ne peut y avoir partage ou licitation entre le nu-propriétaire et l’usufruitier  (Cass. fr. 10 décembre 1889, D. 1891, p.171 et s.)

      [7] Le ius fruendi visant le droit de percevoir les fruits porte sur les fruits civils (en général les revenus pécuniaires), les fruits industriels ainsi que sur les fruits naturels (produits du sol et des animaux).

      [8] Article 578 et 582 et suivants du Code civil ; J. Hansenne, Les biens, t. II, Liège, Ed. Collection scientifique dela Faculté de droit de Liège, 1996, p. 1043, n° 1032.

      [9] Article 617 du Code civil.

      [10] Article 619 du Code civil.

      [11] En plus de l’obligation d’inventaire des biens donnés en usufruit, telle que prévue à l’article 600 du Code civil.

      [12] Article 601 du Code civil.

      [13] Article 605, alinéa 1er du Code civil.

      [14] Article 1754 du Code civil.

      [15] Pour un exposé détaillé sur le sujet, voyez J. Hansenne, « La nature et le régime des grosses réparations en matière d’usufruit », obs. sous Cass., 22 janvier 1970,  R.C.J.B., 1971, p. 463 et s.

      [16] Le droit à la restitution d’un immeuble tel qu’il était à la naissance de l’usufruit sera établi généralement par l’état dressé à la naissance du droit. A défaut d’état, « le nu-propriétaire est alors présumé avoir livré l’immeuble en bon état d’entretien » (J. Hansenne, Les biens, t. II, op. cit., p. 1071, n° 1060).

      [17] J. Hansenne, Les biens, t. II, op. cit., p. 1039, n° 1019.

      [18] Voyez infra, n° 20 et s.

      [19]  Sur cette question, voyez notamment X, « Ruling nouveau : les premières décisions sont publiées », Fiscologue, 2004, n° 942, p. 3.

      [20] On observera qu’en matière de droits de succession, une autre évaluation spécifique est réalisée à l’aide de coefficients fixés par l’article 21 du Code des droits de succession.

      [21] On ajoutera que le Tribunal de Première Instance de Namur (Civ. Namur, 28 juin 2006, inédit, rôle 678-2001) permet aussi l’évaluation de l’usufruit en matière d’impôts sur les revenus sur base de l’article 21 du Code des droits de succession.

      [22] Décision anticipée n° 300.081 du 30 septembre 2003, www.fisconet.be. Voyez X, « Ruling nouveau : les premières décisions sont publiées », Fiscologue, 2004, n° 942, p. 3.

      [23] Q.R., Ch. Repr.,  question n° 654 du 23 février 2005 de M. Van der Maelen,  sess. ord. 2004-2005, p.12.738-12.740. Et le Ministre ajoute : « les conséquences fiscales des mécanismes d’usufruit doivent être évaluées sur base des données factuelles et juridiques propres à chaque cas. La valeur de l’usufruit doit être déterminée de cette manière. Le produit actualisé des locations, peut constituer, le cas échéant, une de ces données. En matière de contributions directes, il ne faut pas nécessairement se référer aux règles mentionnées dans le Code des droits d’enregistrement ou dans le Code des droits de succession ».

      [24] J. Verhoeye, « De turbo vruchtengebruikconstructie », F.E.T., 15 décembre 2000. Le jugement reproduit de larges extraits de l’article de doctrine auquel le Tribunal déclare se rallier pleinement. Voyez également sur cette question K. Verheyden, « Waardering van vruchtengebruik, recht van opstal en erfpacht”, Zakelijke rechten en fiscaliteit, Antwerpen-Apeldoorn, Maklu, 2004, p.132 à 135.

      [25] Civ. Mons, 28 février 2005, Fisc. koer., 2005, n° 386.

      [26] L’obligation d’établir des fiches fiscales est prévue à l’article 57 du C.I.R.

      [27] L’article 219 du C.I.R. énonce que : « Une cotisation distincte est établie à raison des dépenses visées à l’article 57, qui ne sont pas justifiées par la production de fiches individuelles et d’un relevé récapitulatif ainsi qu’à raison des bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société.  Cette cotisation est égale à 300 p.c. de ces dépenses ».

      [28] Selon l’auteur : « De eerste groep koopt een bestaand huis, maar laat hun vennootschap het vruchtgebruik kopen. Zelf kopen de naakte eigendom van het gebouw. Dus moet de prijs van de volle eigendom uitgesplitst worden tussen vruchtgebruik en naakte eigendom. Om dit te berekenen wordt vaak een beroep gedaan op de formules in het registratie — (artikel 47) of successiewetboek (artikel 21, VI). Maar dat zijn formules om respectievelijk de verschuldigde registratie- of successierechten te berekenen, niet om de economische waarde van het vruchtgebruik te berekenen. Om die waarde te berekenen moet rekening worden gehouden met de te verwachten zuivere opbrengsten van het vruchtgebruik. Die bestaan in wezen uit de bruto huuropbrengst die het pand zal opleveren. Daarvan moeten de geraamde kosten in mindering worden gebracht die de vruchtgebruiker zal moeten betalen. De vruchtgebruiker is bijvoorbeeld verplicht, tenzij conventioneel andere bepalingen zijn aangenomen, de herstellingen tot onderhoud te doen (artikel 605, eerste lid van het B.W). De vruchtgebruiker moet tevens de ontroerende voorheffing betalen (artikel 251 W.I.B. 92). Deze netto baten dienen dan geactualiseerd of afgerent te worden tegen een redelijke interestvoet. Zo kan men de waarde van de naakte eigendom berekenen, als de volle prijs r verminderd met de contante waarde van de netto huuropbrengsten in hoofde van de vruchtgebruiker. In dit verhaal, verrijkt de naakte eigenaar zich niet. Als naakte eigenaar staat hij de toekomstige huuropbrengsten of gebruiksrechten af van het goed waarvan hij enkel de naakte eigendom bedt. Dus is het logisch dat hij enkel het verschil moet betalen tussen volle eigendom en de contante waarde van de afgestane opbrengsten. Op het einde van de vruchtgebruikperiode krijgt hij ook het vruchtgebruik. Vanaf dat ogenblik kan hij het gebruiksrecht of de huuropbrengsten ontvangen. Maar op het ogenblik dat het vruchtgebruik opnieuw verenigd wordt met de naakte eigendom, kan in hoofde van de naakte eigendom geen sprake zijn van een verrijking… » (J. Verhoeye, « De turbo vruchtengebruikconstructie », F.E.T., 15 décembre 2000).

      [29] Et ce, conformément à l’article 605 du Code civil.

      [30] Civ. Mons, 23 juin 2004, Fiscologue, 2004, n° 952, p. 9.

      [31] Valeur qui, au demeurant, est sensiblement moins élevée que celle qui avait été retenue par l’administration.

      [32] Article 18, § 3, 2 de l’arrêté royal d’exécution du C.I.R. Lorsque le revenu cadastral est inférieur à 745 €, l’avantage est fixé à 100/60 du revenu cadastral indexé, multiplié par 1,25.

      [33] Article 18, § 3, 2 alinéa 3 de l’arrêté royal d’exécution du C.I.R.

      [34] Gand, 4 décembre 2002, F.J.F., 2003, n° 157 et Cour. fisc., 2003, p. 243, obs. W. Defoor.

      [35] Liège, 10 mars 1999, R.G.F., 2000, p. 175 ; F.J.F., 2000, n° 137 et T.F.R., 1999, no 169, p 646, note C. Chevalier.

      [36] Cass., 12 décembre 2003, F.J.F., 2004, n° 131, note.

      [37] Liège, 28 avril 1999, F.J.F., 1999, n° 276.

      [38] Cass., 18 janvier 2001, J.D.F., 2001, p. 156.

      [39] C.A., 21 juin 2000, Fiscologue, 2000, no 765, p. 6 ; J.D.F., 2000, p. 81, note ; F.J.F., 2002, n° 62 et T.F.R., 2001, no 195, p. 154, note P. Vanbellen.

      [40] Civ. Liège, 20 septembre 2004,  F.J.F., 2006, n° 18 et T.F.R., 2005, n° 285, p. 673.

      [41] Civ. Liège, 20 septembre 2004,  F.J.F., 2006, n° 18, p. 56.

      [42] Com.I.R., 195/3.

      [43] Sur la question de l’amortissement d’une nue-propriété, on se référera à l’avis de mars 1991 de la Commission des Normes Comptables (Bull. C.N.C., n° 26, mars 1991, p.16), suivant lequel les sociétés ne peuvent pas pratiquer des amortissements ordinaires sur les biens immeubles apportés ou acquis en nue-propriété, parce que « les amortissements ordinaires sont liés à l’utilisation de l’immobilisation. Pour les biens immeubles, qui sont détenus en nue-propriété, les amortissements ne peuvent être appliqués qu’à partir du moment où le nu-propriétaire obtient la propriété pleine après l’écoulement de l’usufruit ».

      [44] Ci-après « CNC ».

      [45] Civ. Anvers, 25 juin 2003, F.J.F., 2004, n° 111.

      [46] Civ. Anvers, 5 mai 2004, Cour. fisc., 2004, n° 525.

      [47] Anvers, 6 décembre 2005, F.J.F.,  n° 2006, n° 169.

      [48] Civ. Namur, inédit, n° rôle 678-2001.

      [49] Avis n° 150/3, Bull. C.N.C., n° 19, juillet 1986, p.20-21.

      [50] Avis n° 162/2, Bull. C.N.C., n° 26, mars 1991, p.16.

      [51] Pour une analyse plus détaillée de la question, voyez D. Meulemans, Vruchtgebruik, erfpacht en opstal, Antwerpen, Maklu, 1998, p. 88 et 113 ; S. Van Crombrugge, « Hoe lang duurt de afschrijftermijn van gebouwen in geval van een recht van opstal ? », Fiscologue, n° 480, p. 7 ; S. Van Crombrugge, « Afschrijvingstermijn van gebouwen bij recht van opstal », Fiscologue, 2002, n° 860, p. 1.

      [52] Com. I.R., 61/39.

      [53] Com. I.R., 61/259 et s.

      [54] Com. I.R., 61/265.

      [55] M.B., 26 juillet 1993, entrée en vigueur le 31 mars 1993.

      [56] Cass., 6 juin 1961, Pas., I, p. 1082 ; voyez également Cass., 19 octobre 1965, Pas., 1966, I, p. 231 ; Cass., 27 février 1987, Pas., I, p. 780 ; Cass., 29 janvier 1988, Pas., I, p. 633 et Cass., 22 mars 1990, Pas., I, p. 849.

      [57] Doc. Parl., Chambre n°1072/8, et 99

      [58] Voyez notamment T.Afschrift, L’évitement licite de l’impôt et la réalité juridique, Bruxelles, Larcier, 2004, p. 445.

      [59] Projet de loi portant dispositions financières et fiscales du 22 juillet 1993, Exposé des motifs, Pasin., 1991, p. 3328.

      [60] J. Kirkpatrick et D. Garabedian, Le régime fiscal de sociétés en Belgique, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 77 et 78.

      [61] Pour plus de détails, voyez la circulaire CI.D. 19/453.895 du 6 décembre 1993.

      [62] L’ancienne Commission du ruling.

      [63] Voyez notamment décision anticipée Ci Com/440 CDB du 17 décembre 1999, Bull. contr., n ° 817, p. 1510 ; décision anticipée CI Com du 2 mai 1994, Bull. contr., n° 767, p. 45.

      [64] Ci-après « SPF Finances ».

      [65] Décision n° 300.239 du 13 septembre 2004, www.fisconet.be.

      [66] Décision n° 500.067 du 2 mars 2006, www.fisconet.be.

      [67] On observera que cette décision est postérieure à l’arrêt dela Cour d’appel de Gand du 13 septembre 2005 dont l’administration ne semble pas avoir tiré tous les enseignements.

      [68] Gand, 13 septembre 2005, T.F.R., 2006, n° 296, p. 157, note F. Marck.

      [69] Civ. Bruges, 22 juin 2004, Acc. & Fisc., 2004, n° 25, p. 5 et T.F.R., 2006, n° 296, p. 163, note F. Marck.

      [70] La Cour d’arbitrage s’est prononcée sur cette question à trois reprises (C.A., 24 novembre 2004, n° 188, M.B., 11 janvier 2005, p.790 ; C.A., 2 février 2005, n° 26, M.B., 10 novembre 2005, p. 1009 et C.A., 16 mars 2005 n° 60, M.B., 12 avril 2005, p.16.140) et a considéré que l’administration pouvait requalifier un acte juridique pour combattre l’évasion fiscale sur la base de l’article 344, §1er du C.I.R., sans qu’il y ait pour autant atteinte aux principes constitutionnels). Sur cette question, voyez notamment G. Poppe, « Anti-misbruikbepaling is niet in strijd met de grondwet », Acc. & Fisc., 2004, n° 42, p. 4 et 5 ; T. Wustenberghs, « Het arbitragehof over artikel 344 § 1 WIB 1992 : weinig nieuws onder de zon ! », A.F.T., 2005, n° 3, p. 2.

      [71] Voyez notamment : A. Claes et S. Jourdain, « Requalification d’usufruit, un pas trop loin ? », Fiscologue, 2004, n° 948, p. 5 et 6 ; K. Verheyden, « Rechtbank herkwalificeert vruchtgebruik in huur », Acc. & Fisc., n° 25, p. 5.

      [72] Comme cela fut précisé, rappellela Cour, dans les travaux préparatoires de l’article 344, §1er du C.I.R.

      [73] Cf. Civ. Anvers, 6 janvier 2003, T.F.R., 2003, n° 239, p. 300, note ; Civ. Anvers, 19 juin 2002, F.J.F., 2002, n° 260. Dans ce dernier arrêt, le juge avait accepté la requalification mais avait considéré que les besoins légitimes de caractère économique et financier avaient été prouvés par le contribuable.

      [74] Cass., 4 novembre 2005, J.D.F., 2006, p. 45 et s.

      [75] Liège, 10 septembre 2004, www.fiscalnet.be.

      [76] Expression empruntée à J.-P. Bours, « Une solide mise au point par la Cour de cassation », Hebdo du 7 janvier 2006, www.fiscalnet.be.

      [77] Cass., 4 novembre 2005, J.D.F., 2006,  p. 48.

      [78] Cass., 4 novembre 2005, J.D.F., 2006,  p. 51.

      [79] J.-P. Bours, « Une solide mise au point par la Cour de cassation », Hebdo du 7 janvier 2006, www.fiscalnet.be ; voyez aussi G. Poppe, « Un rachat proportionnel des actions propres ne peut être requalifié en une distribution de dividendes! », Hebdo du  14 janvier 2006, www.fiscalnet.be.

      [80] Décision anticipée n° 300.081 du 30 septembre 2003, www.fisconet.be.

      [81] Q.R., Ch. repr., sess. ord. 2004-2005, question n° 738 du 18 avril 2005, p. 12.907 et 12.908 (Van Der Maelen) ; Q.R., Ch. repr., sess. ord. 2004-2005, question n° 737 du 18 avril 2005, p. 12.904 et 12.907, (Van Der Maelen).

      [82] Com. I.R., 32/11.

      [83] Si le revenu cadastral non indexé est supérieur à 745 €.

      [84] La reconstitution automatique de la pleine propriété lors de l’arrivée du terme contractuellement prévu se distingue de la consolidation qui s’entend de la réunion sur la même tête des qualités d’usufruitier et de nu-propriétaire (article 617 du Code civil). « Ainsi le décès ou l’arrivée du terme font disparaître l’usufruit, ce qui entraîne la reconstitution automatique de la pleine propriété : on ne peut donc dire, en pareils cas, que la qualité d’usufruitier – laquelle disparaît en même temps que l’usufruit – rejoint la qualité de nu-propriétaire » (J. Hansenne, Les biens, t. II, op. cit., p. 1080, n° 1074).

      [85] Article 578 du Code civil.

      [86] L’article 619 du Code civil prévoit que l’usufruit établi au profit d’une personne morale ne peut en aucun cas dépasser une durée de trente ans.

      [87] F. de Montpellier, « Usufruit, emphytéose et superficie. Limites de l’autonomie de la volonté et utilisation combinée », Onroerend goed als beleggingsinstrument. La stratégie immobilière, Gand, Larcier, 2003, p. 14 ; J. Hansenne, Les biens, op. cit., p. 1019, n° 997.

      [88] H. De Page et R. Dekkers parlent de « l’indigence économique de la nue propriété ». Voyez H. De Page et R. Dekkers, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VI, Bruxelles, Bruylant, 1942, p. 163, n° 205.

      [89] L’article 617 prévoit d’ailleurs expressément que « L’usufruit s’éteint : […] par l’expiration du temps pour lequel il a été accordé ».

      [90] J. Hansenne, Les biens, t. II, op. cit., p. 1087, n° 1078.

      [91] Voyez infra, n° 24.

      [92] Com. I.R., 26/16.

      [93] Com. I.R., 26/17.

      [94] J. Hansenne, Les biens, t. II, op. cit., p. 1087, n° 1078.

      [95] Voyez infra, n° 23.

      [96] Article 605 du Code civil.

      [97] Voyez M. Desmaré, « Des grosses réparations et réparations d’entretien en matière d’usufruit », J.L.M.B., 2006, p. 694 et s.

      [98] Cass., 22 janvier 1970, J.T., 1970, p. 203.

      [99] Pour une étude très intéressante sur le sujet, voyez A. Gosselin et L. Herve, « Du sort des constructions et aménagements immobiliers réalisés par l’occupant. Aspects civils et fiscaux », Rev. not. belge, 2004, p. 550 et s.

      [100] J. Hansenne, Les biens, t. II, op. cit., p. 1038, n° 1019.

      [101] J. Hansenne, Les biens, t. II, op. cit., p. 1040, n° 1019.

      [102] J. Hansenne, Ibidem, p. 1040-1041, n° 1019 ; H. De Page et R. Dekkers,  op. cit., p. 374, n° 463.

      [103] A. Gosselin et L. Herve, op. cit., p. 618.

      [104] J. Hansenne, Les biens, t. II, op. cit., n° 1019 ; H. De Page et R. Dekkers,  op. cit., p. 375, n° 463 ; A. Gosselin et L. Herve, op. cit., p. 618.

      [105] Cass., 27 janvier 1887, Pas., 1887, I, p. 56.

      [106] A. Gosselin et L. Herve, op. cit., p. 625.

      [107] P. Levie, Traité théorique et pratique des constructions érigées sur le terrain d’autrui, Publications universitaires de Louvain, Bibliothèque de droit privé, notarial et fiscal, Louvain, p. 61 cité par A. Gosselin et L. Herve, op. cit., p. 627.

      [108] Ibidem.

      [109] Pour la distinction entre ces deux notions, voyez supra, n° 20.

      [110] A. Gosselin et L. Herve, op. cit., p. 557.

      [111] Pour la distinction entre ces deux notions, voyez supra, n° 20.

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