Plus personne n’ignore les atouts fiscaux du régime des droits d’auteur. Ce régime ne peut toutefois s’appliquer qu’aux œuvres qualifiées de créations originales.
L’originalité de l’auteur est ce qui lui permet de pénétrer dans le monde fermé des créateurs d’œuvres de l’esprit méritant d’être protégées. Nulle protection pour ce qui n’est que le fruit d’un savoir-faire fut il exceptionnel.
La jurisprudence a toujours eu une grande difficulté à tracer la frontière entre originalité et la nouveauté. Certes, une création est toujours nouvelle mais une nouveauté n’est pas forcément pas originale, ce que nous illustrons par quelques exemples
Evoquons tout d’abord le cas de cet huissier de justice qui a conçu des canevas et modèles de lettres et actes d’huissier, sous format Word, et décide que sa société rémunère ses « créations » par le biais de droits d’auteur fiscalement attractifs. Très logiquement le tribunal de première instance de Bruxelles va juger que des modèles d’actes ne sont nullement des créations originales qui reflètent l’empreinte de leur auteur mais ne sont dictées que par des contraintes légales très strictes qui ne laissent à leur auteur aucune liberté artistique. Un autre huissier, faisant preuve d’un peu d’esprit d’initiative, pourrait aboutir au même résultat.
A l’inverse, imaginons à présent deux peintres peignant côte à côte un même paysage. Les œuvres ne sont certes pas nouvelles puisqu’elles portent sur le même objet, peint à la même distance, mais elles sont incontestablement originales car il ne fait aucun doute que chacune d’elles est le reflet de la personnalité de l’artiste. L’empreinte personnelle, le caractère unique de l’œuvre produite en fait une œuvre originale.
Ce qui est copié, imité ou reproduit n’est pas une création originale, sauf si la personnalité exceptionnelle du copiste peut se trouver dans l’œuvre reproduite. On notera par ailleurs qu’une traduction d’une œuvre écrite a parfois été jugée originale par la jurisprudence car la fidélité au texte à traduire n’exclut pas une manifestation de la personnalité du traducteur par le choix des mots, expressions et syntaxes.
L’originalité est absente lorsqu’on a affaire à un simple processus révélant avant tout une connaissance technique, avec un outil de travail certes parfois très élaboré (tels des tableaux Excel ou des bases de données banales), ou encore à des œuvres purement informationnelles (telles des avis techniques ou brochures d’explication). Ces outils, modes d’emploi, expressions d’un savoir-faire ne peuvent être assimilé des créations propres leur auteur, à des expressions originales de l’esprit humain, à des choix libres et créatifs de l’auteur.
Certains auteurs considèrent que le critère essentiel pour caractériser l’originalité est le « choix arbitraire original de l’auteur ». C’est aussi le point de vue de la Cour de justice de l’Union européenne qui juge originale « toute création, forcément nouvelle, qui exprime la personnalité de son auteur à travers des choix qui lui sont propres ». Par exemple, un logiciel, pour être original, doit porter la marque de l’apport intellectuel et être libre de contraintes techniques de celui qui l’a conçu.
Ce critère du choix arbitraire et donc de la liberté de l’auteur dans la création nous parait fondamental.
Il n’y a toutefois pas lieu de faire une distinction entre originalité faible ou originalité forte. Celui qui crée des œuvres utilitaires telles qu’un décapsuleur, un papier d’emballage ou un boulon mérite tout autant de voir son œuvre protégée qu’un célèbre romancier ou un peintre réputé.
Il n’y a pas d’originalité de seconde zone à opposer à une originalité de première zone caractérisant les œuvres éternelles d’artistes du mode des arts ou des lettres.